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et c’est de là que se sont répandues, parmi les peuples, la loi et la parole de Dieu. La loi qui leur a été donnée par Moïse, cette loi dont ils se glorifient si orgueilleusement, et d’où ils tirent leur plus formelle condamnation, ne leur est, tout le monde le sait, venue ni de Sion, ni de Jérusalem, mais de la montagne du Sinaï : ils l’avaient reçue depuis quarante ans, et ils l’apportèrent avec eux lorsqu’ils entrèrent dans la terre promise, où se trouve Sion, aussi nommée Jérusalem. Ce n’est donc ni là, ni de là qu’ils l’ont reçue, et il est hors de doute que Sion a été le berceau de l’Evangile de Jésus-Christ et de la loi de foi. Après sa résurrection, le Sauveur lui-même, parlant à ses disciples et leur montrant que toutes les prophéties contenues dans les divines Ecritures, s’étaient accomplies en sa personne, dit aussi : « C’est ainsi qu’il est écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations,. en commençant par Jérusalem (1) ». Isaïe l’avait déjà annoncé par ces paroles : « De Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur ». Car le Saint-Esprit descendit à Jérusalem sur tous ceux qui étaient enfermés ensemble dans le Cénacle, les remplit de sa vertu, et leur donna de parler les langues de toutes les nations (2) : et ils en sortirent pour prêcher et faire connaître l’Evangile à tous les peuples. De même, en effet, que le cinquantième jour après la célébration de la pâque, le Seigneur a écrit de sa propre main, emblème du Saint-Esprit, la loi Mosaïque promulguée sur le mont Sinaï : ainsi, le cinquantième jour après la véritable pâque, c’est-à-dire, après la passion et la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’Esprit-Saint a écrit, non sur des tables de pierre, mais dans le cœur des évangélistes, la loi chrétienne qui nous est venue de Sion et de Jérusalem : car en ce jour fut envoyé l’Esprit-Saint promis auparavant.

10. O Israélites selon la chair, marchez maintenant, non pas selon l’Esprit : allez maintenant, et continuez à être en contradiction avec la plus éclatante vérité, et en entendant cette invitation du Prophète : « Venez, montons à la montagne du Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob » ; dites : C’est nous, afin que vous vous heurtiez contre cette montagne, et qu’après vous être meurtri le visage, vous brisiez plus honteusement votre front. Si vous voulez dire en toute vérité : C’est nous ; dites-le, quand vous entendrez ces mots : « Il a été conduit à la mort, à cause des iniquités de mon peuple (1) ». Ces paroles ont été dites du Christ, que vous avez vous-mêmes conduit à la mort dans la personne de vos pères : il a été conduit, comme une brebis, au sacrifice ; ainsi par votre cruauté ignorante, vous donniez une réalité à la pâque que vous célébrez sans savoir pourquoi. Si vous voulez dire en toute vérité : C’est nous ; dites-le, quand vous entendez ces mots : « Endurcissez le cœur de ce peuple ; bouchez ses oreilles et fermez ses yeux (2) ». Dites : C’est nous ; quand vous entendez ce passage : « J’ai étendu mes mains pendant tout le jour vers un peuple incrédule et ennemi (3) ». Dites : C’est nous ; quand vous entendrez ces paroles : « Que leurs yeux soient tellement obscurcis qu’ils ne voient point, et faites que leur dos soit toujours courbé (4) ». Quand vous entendez ces accents prophétiques et ceux qui leur ressemblent, dites : C’est nous. On, ne peut en douter : il y est question de vous ; mais vous poussez l’aveuglement jusqu’à vous reconnaître là où il ne s’agit pas de vous, et de vous méconnaître là où l’on vous désigne ouvertement.


CHAPITRE VIII. ISAÏE A PRÉDIT QUE DIEU ABANDONNERAIT LES JUIFS.

11. Mais veuillez porter, pendant quelques instants, votre attention sur des passages plus précis que je vais vous citer. Lorsque vous entendez parler du bon Israël, vous dites C’est nous ; quand il est question du bon Jacob, vous dites encore : Nous voilà. Et si l’on vous en demande la raison, vous répondez c’est que le patriarche, de qui nous descendons, s’appelait indifféremment Jacob et Israël voilà pourquoi on nous désigne avec justice par le nom de notre père. Vous êtes plongés dans un lourd et profond sommeil ; aussi ne voulons-nous point vous insinuer des choses spirituelles qui dépassent les limites de votre intelligence. Nous ne prétendons point maintenant vous apprendre le sens spirituel de ces deux mots, à cause de votre surdité et de votre