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premier de ceux à la tête desquels on lit ce titre : « Pour ce qui doit être changé », et ces autres paroles : « Cantique pour le bien-aimé ». Le Christ s’y trouve très-clairement désigné

« Il est le plus beau des enfants des hommes ayant la forme et la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de se dire égal à Dieu ». On lui dit dans ce psaume : « Ceignez-vous de votre épée et placez-la sur votre cuisse », parce qu’il devait s’incarner pour parler aux hommes. En effet, sous le nom d’épée on désigne le discours, et sous celui de cuisse, la nature humaine, car « il s’est anéanti en prenant la forme d’un esclave », afin « qu’étant », par sa divinité, « le plus beau des enfants des hommes », il devînt, par sa faiblesse, celui dont. un autre prophète a dit : « Nous l’avons vu, et il n’avait ni beauté ni éclat : son visage était abject, et son maintien sans dignité (1) ». Dans le même psaume, le Christ nous apparaît positivement, non-seulement comme homme, mais aussi comme Dieu, car le Prophète ajoute : . « Votre trône, ô mon Dieu, est un trône éternel : le sceptre de votre royauté est un sceptre d’équité ; vous aimez la justice et vous haïssez l’iniquité ; c’est pour cela, ô mon Dieu, que votre Dieu a répandu sur vous l’onction de la joie, et vous a élevé au-dessus de tous ceux qui doivent participer à votre gloire ». Le Christ est ainsi nominé de cette onction, que le grec traduit par le mot ???sµa : « il est Dieu, et il a reçu de Dieu son onction ; et comme tous les autres rites charnels, elle a été transformée par lui en un rite spirituel. Le Psalmiste qui parle encore de son Église : « La reine s’est assise à votre droite, vêtue d’ornements précieux » : par où il indique la variété des langues au sein de toutes les nations unies, cependant par les liens d’une même foi, simple et intérieure, car « la véritable gloire de la fille du roi est intérieure ». Puis, s’adressant à cette Église, le Prophète lui dit : « Ecoutez, ma fille, et voyez » : écoutez la promesse, voyez-en l’accomplissement. « Et oubliez votre peuple-ci et la maison de votre père ». Ainsi s’accomplissent de nouvelles choses : ainsi se transforment les anciennes. « Parce que le roi a été charmé de votre beauté ». La beauté qu’il a créée par lui-même, il ne l’a pas rencontrée en vous : comment, en effet, auriez-vous pu apparaître belle à ses yeux, quand vous portiez sur vous la souillure de vos péchés ? Mais- n’allez pas le croire : votre espérance ne s’appuiera point sur un homme, « parce que », ajoute-t-il encore, « il est lui-même le Seigneur votre Dieu ». Ne méprisez pas la forme d’esclave : ne tournez en dérision, ni la faiblesse du Tout-Puissant, ni l’humilité du Très-Haut, car « il est votre Dieu ». Sous les apparences de la petitesse se cache la grandeur ; dans les ombres de la mort, le soleil de justice ; au milieu des abaissements de la croix, le Roi de gloire. Que ses persécuteurs le fassent mourir, qu’il soit méconnu des infidèles, « il n’en est pas moins le Seigneur votre Dieu » : par son incarnation, il substitue la réalité aux antiques figures.


CHAPITRE V. LA TRANSFORMATION DES ANCIENS RITES PRÉDITE AUSSI PAR LE TITRE DU SOIXANTE- HUITIÈME PSAUME, OU LE PROPHÈTE A PARLÉ DE LA PASSION DE JÉSUS-CHRIST.

6. Le psaume soixante-huitième porte encore ce titre : « Pour ce qui doit être changé ». Le Prophète y chante la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et met dans la bouche du Sauveur certaines paroles de ses membres, c’est-à-dire, de ses disciples. Le Christ n’a lui-même commis aucun péché, mais il a supporté le fardeau des nôtres ; c’est pourquoi il est dit : « Et mes péchés ne sont point cachés à vos yeux ». Nous trouvons écrit et annoncé d’avance, dans ce psaume, un fait rapporté dans l’Evangile (1) : « Ils m’ont donné du fiel en guise de nourriture, et, pour étancher ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre ». Suivant la prédiction énoncée au titre du psaume, Jésus-Christ a donc transformé ce qui était ancien. Les Juifs lisent ces passages et ne les comprennent pas : aussi croient-ils nous causer de l’embarras, en nous demandant comment nous pouvons reconnaître l’autorité de la Loi et des Prophètes, dès lors que nous ne pratiquons pas les rites qu’ils nous ont prescrits. Nous n’observons pas ces rites, parce qu’ils. ont été changés : ils ont été changés, parce que leur transformation a été prédite, et nous croyons en Celui qui les a transformés par sa venue en ce monde. Si donc nous n’observons pas les rites : prescrits par la Loi et les