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plaignent amèrement au président d’être victimes de la violence, et d’être amenés pas à pas au fond même du débat, comme si vraiment on n’aurait pas dû négliger tout le reste pour s’occuper exclusivement du sujet qui venait si tard en discussion et qu’ils rejetaient encore. Mais on comprend qu’ils devaient se refuser à une discussion où ils avaient la crainte bien fondée d’être vaincus. Et comment arracher de leur cœur l’aveu formel de cette crainte ? Y serions-nous parvenus, je ne dis pas au prix des plus grandes largesses, mais en les soumettant aux épreuves les plus cruelles ?

XLIV. Ils voulaient traiter dans toutes les formes la question du demandeur, et prouver que nous l’étions, afin de se donner toute liberté de discuter nos personnes, et de prolonger indéfiniment la question. Ils donnèrent donc communication du rapport que nous avions remis précédemment au proconsul, et dans lequel nous demandions que toutes les difficultés pendantes fussent traitées en conférence. Comme l’empereur avait depuis octroyé la conférence, ils concluaient que nous étions, à proprement parler, les demandeurs. Nous leur répondîmes qu’en demandant une conférence, nous nous proposions, non pas de les incriminer en quoi que ce fût, mais de nous justifier de toutes les accusations qu’ils faisaient peser sur nous ; ne disaient-ils pas hautement que s’ils s’étaient séparés de l’unité de l’Église, c’était à cause des crimes qu’ils nous reprochaient et qu’ils n’ont jamais pu prouver ? Le procureur, s’attachant à l’ordre des temps, remarqua que les pièces que nous avions présentées et dans lesquelles les Donatistes demandaient aux préfets l’autorisation de se réunir en conférence, étaient postérieures au rapport que nous avions adressé dans le même but au proconsul. Nous saisîmes cette occasion favorable que nous offrait le procureur ; puisqu’il s’attachait à la question de priorité de temps, nous lui demandâmes l’autorisation de donner connaissance de la supplique qu’ils avaient adressée à l’empereur Constantin par l’intermédiaire du proconsul Anulinus, et dans laquelle ils reprochaient à Cécilianus tous les crimes qu’ils reprochent encore aujourd’hui à notre communion et dont nous voulions nous justifier en conférence. On commença cette lecture, mais comme il devenait évident pour eux qu’ils étaient vaincus sur tous les points, ils s’écrièrent : « On nous amène insensiblement à la cause » ; ils ajoutèrent : « Votre puissance s’aperçoit qu’on nous conduit pas à pas au fond même du débat ». Quelle profonde confusion ! mais si elle est grande, elle n’est pas admirable. Le démon a-t-il plus d’horreur pour un exorciste, qu’ils n’en avaient pour la lecture de cette pièce qui allait prouver clairement que Cécilianus avait été accusé au tribunal de l’empereur par les évêques leurs prédécesseurs, et qu’il avait été à plusieurs reprises hautement justifié, non-seulement par sentence épiscopale, mais par l’empereur lui-même ?

XLV. Quand ou à quel prix aurions-nous pu acheter la faveur qu’ils nous ont faite en déclarant, sous l’inspiration de la crainte qui les troublait, qu’ils invoquaient les droits de la prescription, que le temps fixé pour les débats était écoulé, et qu’après quatre mois la cause né pouvait plus être engagée ? Qu’est-ce que cela ? Le juge le plus capable aurait-il jamais pu saisir leurs dispositions réelles, aussi bien qu’elles venaient elles-mêmes de se révéler sous les coups de la crainte ? La crainte a souvent pour effet d’ôter la liberté ; mais que dire de cette liberté qu’ils accordent à leur crainte jusqu’à lui permettre non-seulement de ne pas taire le jugement qu’ils portaient eux-mêmes sur la perversité de leur propre cause, mais de le proclamer à haute et intelligible voix ? Pour arracher un tel aveu, que leur frayeur devait être grande ! La crainte jaillit si puissante de leurs lèvres qu’elle chassa toute pudeur de leur front. Si l’on n’avait pas donné connaissance des pièces qui attestaient que Cécilianus avait été accusé et plusieurs fois justifié, on allait traiter la question du demandeur, on allait discuter les personnes ; les incidents se succéderaient avec un tel enchaînement et une telle rapidité, que la cause principale serait indéfiniment suspendue. Et cependant c’était en apparence pour traiter juridiquement la question principale qu’ils réclamaient ces incidents préliminaires. Et puis, quand la lecture eut constaté l’innocence de Cécilianus et la justice de sa cause, c’est la prescription qu’on invoque, on s’écrie que le jour fixé pour les débats est écoulé.

XLVI. Si quelque impatience vous presse de connaître la sentence portée en notre faveur