Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XIII.djvu/542

Cette page n’a pas encore été corrigée

la postérité de son frère : « Vous vous trompez, a leur dit-il, faute de connaître les Ecritures « et le pouvoir de Dieu’ ». Et loin de dire, comme c’était le moment : Que me demandez-vous ? celle dont vous me parlez ne sera plus une femme, mais un homme, il ajouta : « Car à la résurrection on ne se maa riera point et on n’épousera point ; mais « tous seront comme les anges de Dieu dans « le ciel ^ ». Ils seront en effet égaux aux anges pour l’immortalité et la béatitude, mais non quant au corps, ni quant à la résurrection, dont les anges n’ont pas eu besoin, parce qu’ils n’ont pas pu mourir. Notre-Seigneur a donc dit qu’il n’y aura point de noces à la résurrection, mais non pas qu’il n’y aura point de femmes ; et il l’a dit en une occasion où la réponse naturelle était : Il n’y aura point de femmes, s’il avait prévu qu’il ne devait point y en avoir. Bien plus, il a déclaré que la différence des sexes subsisterait, en disant : « On ne s’y mariera point », ce qui regarde les femmes, et : « On n’y épousera point », ce qui regarde les hommes. Aussi celles qui se marient ici-bas, comme ceux qui y épousent, seront à la résurrection ; mais ils n’y feront point de telles alliances.


CHAPITRE XVIII.

DE L’HOMME PARFAIT, C’EST-A-DIRE DE JÉSUS-CHRIST, ET DE SON CORPS, C’EST-A-DIRE DE L’ÉGLISE, QUI EN EST LA PLÉNITUDE.

 

Pour comprendre ce que dit l’Apôtre, que nous parviendrons tous à l’état d’homme parfait, il faut examiner avec attention toute la suite de sa pensée. Il s’exprime ainsi : « Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de consommer toutes choses. Lui-même en a établi quelques-uns apôtres, d’autres prophètes, ceux-ci évangélistes, ceux-là pasteurs et docteurs, pour la consommation des saints, l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ, afin que nous ne soyons plus comme des enfants, nous laissant aller à tout vent de doctrine et aux illusions des hommes fourbes qui veulent nous engager dans l’erreur, mais que, pratiquant la vérité par la charité, nous croissions en toutes choses dans Jésus-Christ, qui est la tête, d’où tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement nécessaire pour s’édifier soi-même dans la charité[1] ». Voilà quel est l’homme parfait : la tête d’abord, puis le corps composé de tous les membres, qui recevront la dernière perfection en leur temps. Chaque jour cependant, de nouveaux éléments se joignent à ce corps, tandis que s’édifie l’Église à qui l’on dit : « Vous êtes le corps de Jésus-Christ et ses membres[2] » ; et ailleurs : « Pour son corps qui est l’Église[3] » ; et encore : « Nous ne sommes— tous ensemble qu’un seul pain et qu’un seul corps[4] ». C’est de l’édifice de ce corps qu’il est dit ici : « Pour la consommation des saints, pour l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ ». Puis l’Apôtre ajoute ce passage dont il est question :   « Jusqu’à ce que nous parvenions tous à « l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ » ; et le reste, montrant enfin de quel corps on doit entendre cette mesure par ces paroles ; « Afin que nous croissions en toutes tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement qui lui convient ». Comme il y a une mesure de chaque partie, il y en a aussi une de tout le corps, composé de toutes ces parties ; et c’est la mesure de la plénitude dont il est dit : « A la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ ». L’Apôtre fait encore mention de cette plénitude, lorsque, parlant de Jésus-Christ, il dit ; « Il l’a établi pour être le chef de toute l’Église, qui est son corps et sa plénitude, lui qui consomme tout en tous[5] ». Mais, lors même qu’il faudrait entendre le passage dont il s’agit de la résurrection, qui nous empêcherait d’appliquer aussi à la femme ce qu’il dit de l’homme, en prenant l’homme pour tous les deux, comme dans ce verset du Psaume : « Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur[6] ! » Car assurément les femmes qui craignent le Seigneur sont comprises dans la pensée du Psalmiste.

  1. 1. Ephés. IV, 10-16.
  2. I Cor. XII, 27.
  3. Coloss. I, 24
  4. I Cor. X 17
  5. Ephés. I, 22, 23.
  6. Ps. CXI, 1.