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LIVRE XXII. — BONHEUR DES SAINTS.

comme à des dieux, mais des tombeaux comiiK ! à des morts dont les es|ni(s sont vivants devant Dieu, INous ne dressons jioint d’autels pour leur oll’rir des sacrilices, mais nous innnolons l’hostie à l)i(Mi s(miI, (|ni ( ; st notre Dieu vA le leur. Pendant ce saci ilice, ils sont nonnné’S en leur lieu et en leur ordre, comme des hommes de Di(>u qui, en coid’essant son nom, ont vaincu le monde ; mais le prêtre {|ui sacrifie ne les invocjuc point : c’est à Dieu (ju’il sacrifie et non pas à eux, quoi<|u’il sacrifie en mémoire d’eux ; car il est prêtre de Dieu et non des martyrs. Et en quoi consiste le sacrifice lui-même ? c’est le corps de Jésus-Christ, lequel n’est pas offert aux martyrs, parce (ju’eux-mêmes sont aussi ce corps. A quels miracles croira-t-on de préférence ? aux miracles de ceux qui veulent passer pour dieux, ou aux miracles de ceux qui ne les font que pour établir la foi en la divinité de Jésus-Christ ? A qui se fier ? à ceux qui veulent faire consacrer leurs crimes ou à ceux (jui ne soutirent pas même que l’on consacre leurs louanges, et qui veulent qu’on les rapporte à la gloire de celui en qui on les loue ? C’est en Dieu, en effet, que leurs âmes sont glorifiées K Croyons donc à la vérité de leurs discours et à la puissance de leurs miracles ; car c’est pour avoir dit la vérité qu’ils ont souffert la mort, et c’est la mort librement subie qui leur a valu le don des miracles. Et l’une des principales vérités qu’ils ont affirmées, c’est que Jésus-Christ est ressuscité des morts et qu’il a fait voir en sa chair l’immortalité de la résurrection qu’il nous a promise au commencement du nouveau siècle ou à la fin de celui-ci.


CHAPITRE XI.

CONTRE LES PLATONICIENS QUI PRÉTENDENT PROU-VER, PAR LE POIDS DES ÉLÉMENTS, QU’UN CORPS TERRESTRE NE PEUT DEMEURER DANS LE CIEL.

A cette grâce signalée de Dieu, qu’opposent ces raisonneurs dont Dieu sait que les pensées sont vaines[1] ? Ils argumentent sur le poids des éléments. Platon, leur maître, leur a enseigné en effet que deux des grands éléments du monde, et les plus éloignés l’un de l’autre, le feu et la terre, sont joints et unis par deux éléments intermédiaires, c’est-à-dire par l’air et par l’eau[2]. Ainsi, disent-ils, puisque la terre est le premier corps en remontant la série, l’eau le second, l’air le troisième, et le ciel le quatrième, un corps terrestre ne peut pas être dans le ciel. Chaque élément, pour tenir sa place, est tenu en équilibre par son propre poids[3]. Voilà les arguments dont la faiblesse présomptueuse des hommes se sert pour combattre la toute-puissance de Dieu. Que font donc tant de corps terrestres dans l’air, qui est le troisième élément au-dessus de la terre ? à moins qu’on ne veuille dire que celui qui a donné aux corps terrestres des oiseaux la faculté de s’élever en l’air par la légèreté de leurs plumes ne pourra donner aux hommes, devenus immortels, la vertu de résider même au plus haut des cieux ! A ce compte, les animaux terrestres qui ne peuvent voler, comme sont les hommes, devraient vivre sous la terre comme les poissons, qui sont des animaux aquatiques et vivent sous l’eau. Pourquoi un animal terrestre ne tire-t-il pas au moins sa vie du second élément, qui est l’eau, et ne peut-il y séjourner sans être suffoqué ; et pourquoi faut-il qu’il vive dans le troisième ? Y a-t-il donc erreur ici dans l’ordre des éléments, ou plutôt n’est-ce pas leur raisonnement, et non la nature, qui est en défaut ? Je ne reviendrai pas ici sur ce que j’ai déjà dit au troisième livre[4], comme par exemple qu’il y a beaucoup de corps terrestres pesants, tels que le plomb, auxquels l’art peut donner une certaine figure qui leur permet de nager sur l’eau. Et l’on refusera au souverain artisan le pouvoir de donner au corps humain une qualité qui l’élève et le retienne dans le ciel !

Il y a plus, et ces philosophes ne peuvent pas même se servir, pour me combattre, de l’ordre prétendu des éléments. Car si la terre occupe par son poids la première région, si l’eau vient ensuite, puis l’air, puis le ciel, l’âme est au-dessus de tout cela. Aristote en fait un cinquième corps[5], et Platon nie

  1. Psaumes, XCIII, 11.
  2. Platon, Timée, trad. fr., tome XI
  3. Voyez Pline, Hist. nat., livre II, ch. 4
  4. Chap. 18
  5. C’est sans doute sur la foi de Cicéron que saint Augustin attribue à Aristote cette étrange doctrine. Nous trouvons en effet dans les Tusculanes un passage d’où il est naturel de conclure que l’âme n’était pour Aristote qu’un élément plus pur que les autres (Tusc. Qu., lib. s, cap. 10). La vérité est qu’Aristote admettait en effet au-dessous des quatre éléments, reconnus par tonte la physique ancienne, une cinquième substance dont les astres sont formés. Maie jamais ce grand esprit n’a fait de l’âme humaine une substance corporelle. Suivant sa définition si précise et toute sa doctrine si amplement développée dans le beau traité De anima, l’âme est pour lui la forme ou l’énergie du corps, c’est-à-dire son essence et sa vie