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Les disciples virent comme des langues de feu qui se divisèrent quand le Saint-Esprit descendit sur eux[1]. Notre-Seigneur dit encore qu’il n’est pas venu sur la terre pour apporter la paix, mais le glaive[2]. L’Écriture appelle la parole de Dieu un glaive à cieux tranchants, à cause des deux Testaments[3] et dans le Cantique des cantiques, l’Église s’écrie qu’elle est blessée d’amour comme d’un trait[4]. Mais ici, où il est clair que Dieu vient pour exécuter ses vengeances, on voit de quelle façon toutes ces expressions doivent s’expliquer.

Après avoir brièvement indiqué ceux qui seront consumés par ce jugement, le Prophète, figurant les pécheurs et les impies sous l’image des viandes défendues par l’ancienne loi, dont ils ne se sont pas abstenus, revient à la grâce du Nouveau Testament, depuis le premier avènement du Sauveur jusqu’au jugement dernier, par lequel il termine sa prophétie. Il raconte que le Seigneur déclare qu’il viendra pour rassembler toutes les nations, et qu’elles seront témoins de sa gloire 5 ; car, dit l’Apôtre : « Tous ont péché et tous ont besoin de la gloire de Dieu[5] ». Isaïe ajoute qu’il fera devant eux tant de miracles qu’ils croiront en lui, qu’il enverra certains d’entre eux en différents pays et dans les îles les plus éloignées, où l’on n’a jamais ouï parler de lui, ni vu sa gloire, qu’ils amèneront à la foi les frères de ceux à qui le Prophète a parlé, c’est-à-dire les Israélites élus, en annonçant l’Évangile parmi toutes les nations, qu’ils amèneront un présent à Dieu, de toutes les contrées du monde, sur des chevaux et sur des chariots (qui sont les secours du ciel et qui se transmettent par le ministère des anges et des hommes), enfin qu’ils l’amèneront dans la sainte Cité de Jérusalem, qui maintenant est répandue par toute la terre dans la sainteté des fidèles. En effet, où ils se sentent aidés par un secours divin, les hommes croient, et où ils croient, ils viennent. Or, le Seigneur les compare aux enfants d’Israël qui lui offrent des victimes dans son temple, avec des cantiques de louange, comme l’Église le pratique déjà partout. De nos jours, ne choisit-on pas les prêtres et les lévites, non en regardant la race et le sang, comme cela se pratiquait d’abord dans le sacerdoce selon l’ordre d’Aaron, muais comme il convient à l’esprit du

Nouveau Testament, où Jésus-Christ est le souverain prêtre selon l’ordre de Mélchisédech[6], en considérant le mérite que la grâce divine donne à chacun ? ne choisit-on pas, dis-je, des prêtres et des lévites qu’il ne faut pas juger par la fonction dont ils sont souvent indignes, mais par la sainteté, qui ne peut être commune aux bons et aux méchants ?

Après avoir ainsi parlé de cette miséricorde de Dieu pour son Église, dont les effets nous sont si sensibles et si connus, Isaïe promet, de la part de Dieu, les fins où chacun arrivera lorsque le dernier jugement aura séparé les bons d’avec les méchants : « Car, de même que le nouveau ciel et la nouvelle terre demeureront en ma présence, dit le Seigneur, ainsi votre semence et votre nom demeureront devant moi ; et ils passeront de mois en mois et de sabbat en sabbat, et toute chair viendra m’adorer en Jérusalem ; et ils sortiront, et ils verront les membres des hommes prévaricateurs. Leur ver ne mourra point, et le feu qui les brûlera ne s’éteindra point ; et ils serviront de spectacle à toute chair[7] ». C’est par là que le prophète Isaïe finit son livre, comme par là aussi le monde doit finir. Quelques versions, au lieu des « membres des hommes », portent les « cadavres des hommes[8] », entendant évidemment par là la peine des corps damnés, quoique d’ordinaire on n’appelle cadavre qu’une chair sans âme, au lieu que les corps dont il parle seront animés, sans quoi ils ne pourraient souffrir aucun tourment. Cependant il est possible qu’on ait voulu entendre par ces mots des corps semblables à ceux des hommes qui passeront à la seconde mort, d’où vient cette parole du Prophète : « La terre des impies tombera ». Qui ne sait, en effet, que cadavre vient d’un mot latin qui signifie tomber[9] ? De même il est assez clair que par le mot hommes le Prophète veut parler de toutes les créatures humaines en général[10] ; car personne n’oserait soutenir que les femmes pécheresses ne subiront pas aussi leur supplice. Il faut le croire d’autant mieux que c’est de la femme elle-même que l’homme est sorti. Mais voici ce qui importe particulièrement à notre sujet, puisque le Prophète, en parlant des bons, dit : « Toute chair viendra », parce que le peuple chrétien sera composé de toutes les nations, et qu’en parlant des méchants, il les appelle membres ou cadavres, cela montre que le jugement qui enverra

  1. Act. 2,3
  2. Mat. 10,31
  3. Heb. 4,12
  4. Can. 2,5, sect. LXX.
  5. Rom. 3,23
  6. Psa. 109,4
  7. Isa. 66,22-21, sec. LXX.
  8. C’est la leçon de la Vulgate.
  9. Voyez plus haut, ch. 10
  10. La Vulgate donne virorum les Septante anthropon.