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UVHK XVIII. — HISTOIHK HKS DKHX CITI^’.S.

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communément fils de Jupiter. Mais les ado- rateurs de ces dieux prennent ce que nous avons rapporté du roi de Crète pour historiquen et ce qu'on dit de Jupiter et ce qu'on en représente sur les théâtres comme fabuleux, de sorte qu'il ne faudrait voir dans ces aventures (|ne des liclions tiont on se sert pour apaiser les dieux, (|ui se plaisent à la représenlaliou de leurs (aux crimes. Celait aussi alors ({u’Ilcrcule llorissait à Tyrinllie’, mais un autre Hercule (jue celui dont nous avons parlé plus liant. Les plus savanls datis l’histoire comptent en elîet plusieurs Bacchus et plusieurs Hercules. Cet Hercule dont nous parlons, et à qui l’on atlribue les douze fa- meux travaux, n’est pas celui qui tua Aatée, mais celui (pii se brûla lui-même sur le mont OKla, lorscjue celle vertu, (jui lui avait lait dompter tant de monstres , succomba sous l’elTort d’une légère douleur. C’est vers ce temps (|ue le roi, ou plutôt le tyran Busiris, immolait ses hôtes à ses dieux. Il était fils de Neptune, qui l’avait eu de Lybia, fille d’Epa- phus ; mais je veux que ce soit une fable in- ventée pour apaiser les dieux, et que Neptune n’ait pas cette séduction à se reprocher. On dit qu’Erichthon, roi d’Athènes, était fils de Vulcain et de Minerve. Toutefois, comme on veut que Minerve soit vierge, on raconte que Vulcain, la voulant posséder en dépit d’elle, répandit sa semence sur la terre, d’où naquit un enfant qui, à cause de cela, fut nommé Erichthon *. Il est vrai que les plus savants rejettent ce récit et expliquent autrement la naissance d’Erichthon. Ils disent que dans le temple de Vulcain et de Minerve (car il n’y en avait qu’un pour tous deux à Athènes), on trouva un enfant entouré d’un serpent, et que, ne sachant à qui il était, on l’attribua à Vul- cain et à Minerve. Sur quoi je trouve que la fable rend mieux raison de la chose que l’his- toire. Mais que nous importe ? l’histoire est pour rinstruclion des hommes religieux, et la fable pour le plaisir des démons impurs, que toutefois ces hommes religieux adorent comme des divinités. Aussi, encore qu’ils ne veuillent pas tout avouer de leurs dieux, ils ne les justifient pas tout à fait, puisque c’est par leur ordre qu’ils célèbrent des jeux où on représente leurs crimes, et que ces dieux,

’ Tyrinlhe, ville du Péloponèse, près d’Argos.

’ Erichthon, dit saint Augustin, vient de spi{, lutte, et de y.Ow^

disent-ils, s’apaisent par de telles infamies. Les crime» ont beau être faux, les dieux l>;uCns n’en sont j^uère moins coupables, piMS(|ne prendre plaisir à des crimes faux est un crime très-véritable.

CHAI’ITKE XIII.

DES SUPERSTITIONS KKPANDUES PAUMI LES GENTILS

A l’Époque ues juges.

Après la mort de Jésus Navé, le peuple de Dieu fut gouverné par des Juges, et éprouva tour à tour la bonne et la mauvaise fortune, selon qu’il était digne de grâces ou de châti- ments. Il faut rap[)orter à cette époque l’in- vention d’un grand nombre de fables célèbres : Triptolème, porté sur des serpents ailés et dis- tribuant du blé, par ordre de Cérès, dans les l)ays affligés de la famine ; le Minotaure et ce labyrinthe inextricable d’où il était impossible de sortir ; les Centaures, moitié hommes et moitié chevaux ; Cerbère, chien à trois têtes, qui gardait l’entrée des enfers ; Phryxus et Hellé, sa sœur, s’envolant sur un bélier ; la Gorgone, à la chevelure de serpents, qui changeait en pierres ceux qui la regardaient ; Bellérophon, porté sur un cheval ailé ; Am- pliion, qui attirait les arbres et les rochers au son de sa lyre ; Dédale et son fils, qui se firent des ailes pour traverser les airs ; OEdipe, qui résolut l’énigme de Sphinx, monstre à quatre pieds et à visage humain, et le força de se jeter dans son propre abîme ; Antée enfin, qu’Hercule étouffa en le soulevant de terre, parce que ce fils de la terre se relevait plus fort toutes les fois qu’il la touchait. Ces fables et autres semblables, jusqu’à la guerre de Troie, où Varron finit son second livre des Antiquités romaines, ont été inventées à l’oc- casion de quelques événements véritables, et ne sont point honteuses aux dieux. Mais quant à ceux qui ont imaginé que Jupiter enleva Ganymède (crime qui fut commis en effet par le roi Tantalus) et qu’il abusa de Danaé en se changeant en pluie d’or, par où l’on a voulu figurer la séduction d’une femme intéressée, il faut qu’ils aient eu bien mauvaise opinion des hommes pour les avoir crus capables d’ajouter foi à ces rêveries. Cependant ceux qui honorent le plus Jupiter sont les premiersà les soutenir ; et, bien loin de s’indigner contre des inventions pareilles, ils appréhenderaient la colère des dieux, si l’on ne les représentait