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LIVRE DIX-HUITIÈME[1]

Saint Augustin expose le développement des deux cités depuis l'époque d'Abraham jusqu’à la fin du monde ; il signale en même temps les oracles qui ont annoncé Jésus-Christ, soit chez les sibylles, soit principalement chez les prophètes qui ont écrit depuis la naissance de l’empire romain, tels qu'Osée, Amos, Isaïe, Michée et les suivants.

CHAPITRE PREMIER.

RÉCAPITULATION DE CE QUI A ÉTÉ TRAITÉ DANS LES LIVRES PRÉCÉDENTS.

J’ai promis de parler de la naissance, du progrès et de la fin des deux cités, après avoir réfuté, dans les dix premiers livres de cet ouvrage, les ennemis de la Cité de Dieu, qui préfèrent leurs dieux à Jésus-Christ, et dont l’âme dévorée d’une pernicieuse envie a conçu contre les chrétiens la plus implacable inimitié. J’ai fait voir en quatre livres, depuis le onzième jusqu’au quatorzième, la naissance des deux cités. Le quinzième en a montré le progrès, depuis le premier homme jusqu’au déluge, et depuis le déluge jusqu’à Abraham. Mais depuis Abraham jusqu’aux rois des Juifs, période exposée dans le seizième livre, et depuis ces rois jusqu’à la naissance du Sauveur, où nous conduit le dix-septième, il semble que la seule Cité de Dieu se soit montrée dans notre récit, quoique celle du monde n’ait pas laissé de continuer son cours. J’ai procédé de la sorte, afin que le progrès de la Cité de Dieu parût plus distinctement, depuis que les promesses de l’avènement du Messie ont commencé à être plus claires ; et toutefois il est vrai de dire que, jusqu’à la publication du Nouveau Testament, cette cité ne s’est montrée qu’à travers des ombres. Il faut donc reprendre maintenant le cours de la cité du monde depuis Abraham, afin qu’on puisse comparer ensemble le développement des deux cités.

CHAPITRE II.

QUELS ONT ÉTÉ LES ROIS DE LA CITÉ DE LA TERRE PENDANT QUE SE DÉVELOPPAIT LA SUITE DES SAINTS DEPUIS ABRAHAM.

La société des hommes répandue par toute la terre, dans les lieux et les climats les plus différents, ne cherchant qu’à satisfaire ses besoins ou ses convoitises, et l’objet de ses désirs n’étant capable de suffire ni à tous, ni à personne, parce que ce n’est pas le bien véritable, il arrive d’ordinaire qu’elle se divise contre elle-même et que le plus faible est opprimé par le plus fort. Accablé par le vainqueur, le vaincu achète la paix aux dépens de l’empire, et même de la liberté, et c’est un rare et admirable spectacle que celui d’un peuple qui aime mieux périr que de se soumettre. En effet, la nature crie en quelque sorte à l’homme qu’il vaut mieux subir le joug du vainqueur que de s’exposer aux dernières fureurs de la guerre. Et c’est ainsi que dans la suite des temps, non sans un conseil de la providence de Dieu, qui règle le sort des batailles, quelques peuples ont été les maîtres des autres. Or, entre tous les empires que les divers intérêts de la cité de la terre ont établis, il en est deux singulièrement puissants, celui des Assyriens et celui des Romains, distincts l’un de l’autre par les lieux comme par les temps. Celui des Assyriens, situé en Orient, a fleuri le premier ; et celui des Romains, qui n’est venu qu’après, s’est étendu en Occident : la fin de l’un a été le commencement de l’autre. On peut dire que les autres royaumes n’ont été que des rejetons de ceux-là.

Ninus, second roi des Assyriens, qui avait succédé à son père Bélus[2], tenait l’empire, quand Abraham naquit en Chaldée. En ce temps-là florissait aussi le petit royaume des Sicyoniens, par lequel le docte Varron commence son histoire romaine[3]. Des rois des Sicyoniens, il descend aux Athéniens, de ceux-ci aux Latins, et des Latins aux Romains. Mais, comme je l’ai

  1. Ce livre a été écrit vers l’an 426. Voyez le chapitre 51.
  2. Sur Bélus, voyez Hérodote, lib. 1, cap. 181 et seq. La plupart des historiens font commencer l’empire d’Assyrie à Nions. Bélus a été ajouté par les historiens postérieurs, notamment par Eusèbe dans sa Chronique.
  3. Voyez plus haut (livre 6, ch.2) le témoignage éclatant que rend saint Augustin à la science de Varron. — L’histoire romaine dont il est question ici et qui est entièrement perdue, est mentionnée par les grammairiens Charisius et Servius et par Arnobe (Adv. Gent, lib. 5, p.143 de l’édition de Stewech).