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LIVRE XVII. — DE DAVID À JÉSUS-CHRIST.


à-dire la vigne ingrate, d’empêcher qu’elles ne versent la pluie sur elle. « Il jugera les extrémités de la terre », c’est-à-dire même les extrémités de la terre. Et ne jugera-t-il point aussi les autres parties de la terre, lui qui indubitablement doit juger tous les hommes ? Mais peut-être il vaut mieux entendre par les extrémités de la terre l’extrémité de la vie de l’homme. L’homme en effet ne sera pas jugé sur l’état où il aura été au commencement ou au milieu de sa vie, mais sur celui où il se trouvera vers le temps de sa mort ; d’où vient cette parole de l’Evangile, « qu’il n’y aura de sauvé que celui qui persévérera jusqu’à la fin[1]». Celui donc qui persévère jusqu’à la fin à pratiquer la justice au milieu de la terre ne sera pas condamné, quand Dieu jugera les extrémités de la terre. « C’est lui qui donne la force à nos rois », afin de ne les pas condamner dans son jugement. Il leur donne la force de gouverner leur corps en rois, et de vaincre le monde par la grâce de celui qui a répandu son sang pour eux. « Et il relèvera la gloire et la puissance de son Christ ». Comment le Christ relèvera-t-il la gloire et la puissance de son Christ ? car celui dont il est dit auparavant : « Le Seigneur est monté aux cieux et a tonné », est celui-là même dont il est dit ici qu’il relèvera la gloire et la puissance de son Christ. Quel est donc le Christ de son Christ ? Est-ce qu’il relèvera la gloire et la puissance de chaque fidèle, comme notre sainte prophétesse le dit elle-même au commencement de ce cantique : « Mon Dieu a relevé ma force et ma gloire ? » Dans le fait, nous pouvons fort bien appeler des Christs tous ceux qui ont été oints du saint chrême, qui tous, néanmoins, avec leur chef, ne sont qu’un même Christ. Voilà la prophétie d’Anne, mère du grand et illustre Samuel ; en lui était figuré alors le changement de l’ancien sacerdoce, qui est accompli aujourd’hui ; car elle qui avait beaucoup d’enfants est devenue sans vigueur, afin que celle qui était stérile et qui est devenue mère de sept enfants eût un nouveau sacerdoce en Jésus-Christ.


CHAPITRE V.

abolition du sacerdoce d’aaron prédite à héli.

L’homme de Dieu qui fut envoyé au grand-prêtre Héli et que l’Ecriture ne nomme pas, mais que son ministère doit faire indubitablement reconnaître pour prophète, parle de ceci plus clairement. Voici ce que porte le texte sacré : « Un homme de Dieu vint trouver Héli et lui dit : Voici ce que dit le Seigneur : Je me suis fait connaître à la maison de votre père, lorsqu’elle était captive de Pharaon en Egypte, et je l’ai choisie entre toutes les tribus d’Israël pour me faire des prêtres qui montassent à mon autel, qui m’offrissent de l’encens et qui portassent l’éphod ; et j’ai a donné à la maison de votre père, pour se nourrir, tout ce que les enfants d’Israël m’offrent en sacrifice. Pourquoi donc avez-vous foulé aux pieds mon encens et mes sacrifices, et pourquoi avez-vous fait plus de cas de vos enfants que de moi, en souffrant qu’ils emportassent les prémices de tous les sacrifices d’Israël ? C’est pourquoi voici ce que dit le Seigneur et le Dieu d’Israël : J’avais résolu que votre maison et la maison de votre père passeraient éternellement en ma présence. Mais je n’ai garde maintenant d’en user de la sorte. Car je glorifierai ceux qui me glorifient ; et ceux qui me méprisent deviendront méprisables. Voici venir le temps que j’exterminerai votre race et celle de votre père, de sorte qu’il n’en deumeurera pas un seul qui exerce les fonctions de la prêtrise, dans ma maison. Je les bannirai tous de mon autel, afin que ceux qui resteront de votre maison sèchent en voyant ce changement. Ils périront tous par l’épée ; et la marque de cela, c’est que vos enfants Ophni et Phinées mourront tous deux en un même jour. Je me choisirai un prêtre fidèle, qui fera tout ce que mon cœur et mon âme désirent, et je lui construirai une maison durable qui passera éternellement en la présence de mon Christ. Quiconque restera de votre maison viendra l’adorer avec une petite pièce d’argent, et lui dira : Donnez-moi, je vous prie, quelque part en votre sacerdoce, afin que je mange du pain[2]».

On ne peut pas dire que cette prophétie, qui prédit si clairement le changement de l’ancien sacerdoce, ait été accomplie en la personne de Samuel. Quoiqu’il ne fût pas d’une autre tribu que celle que Dieu avait destinée pour servir à l’autel, il n’était pas pourtant de

  1. Matt. x, 22.
  2. I Rois, ii, 27 et seq.
S.Aug. — Tome XIII.
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