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d’où vient que quelques interprètes, pour en marquer la différence, ont mieux aimé le rendre par le mot souffle, que par celui d’esprit. Il se trouve employé de la sorte dans Isaïe, où Dieu dit : « J’ai fait tout souffle », c’est-à-dire toute âme. Les interprètes donc expliquent quelquefois, il est vrai, ce dernier mot par souffle, ou par esprit, ou par inspiration ou aspiration, ou même par âme ; mais jamais ils ne traduisent l’autre que par esprit, soit celui de l’homme dont l’Apôtre dit : « Quel est celui des hommes qui connaît ce qui est en l’homme, si ce n’est l’esprit même de l’homme qui est en lui ? » soit celui de la bête, comme quand Salomon dit : « Qui sait si l’esprit de l’homme monte en haut dans le ciel, et si l’esprit de la bête descend en bas dans la terre ? » soit même cet esprit corporel qu’on nomme aussi vent, comme dans le Psalmiste : « Le feu, la grêle, la neige, la glace, l’esprit de tempête » ; soit enfin l’esprit créateur, tel que celui dont Notre-Seigneur dit dans l’Evangile, en l’exprimant par son souffle : « Recevez le Saint-Esprit », et ailleurs : « Allez, baptisez toutes les nations « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », paroles qui déclarent clairement et excellemment la très-sainte Trinité ; et encore : « Dieu est esprit », et en beaucoup d’autres endroits de l’Ecriture. Dans tous ces passages, le grec ne porte point le mot équivalent à souffle, mais bien celui qui ne peut se rendre que par esprit. Ainsi, alors même que dans un endroit de la Genèse où il est dit que « Dieu souffla contre la face de l’homme un esprit de vie », il y aurait dans le grec pneuma et non pnoè, il ne s’ensuivrait pas pour cela que nous fussions obligés d’entendre l’Esprit créateur, puisque, comme nous avons dit, l’Ecriture ne se sert pas seulement du premier de ces mots pour le Créateur, mais aussi pour la créature,

Mais, répliquent-ils, elle ne dirait pas esprit de vie, si elle ne voulait marquer le Saint-Esprit, ni âme vivante, si elle n’entendait la vie de l’âme qui lui est communiquée par le don de l’Esprit de Dieu, puisque, l’âme vivant d’une vie qui lui est propre, il n’était pas besoin d’ajouter vivante, si l’Ecriture n’eût voulu signifier cette vie qui lui est donnée par le Saint-Esprit. Qu’est-ce à dire ? et raisonner ainsi, n’est-ce pas s’attacher avec ardeur à ses propres pensées au lieu de se rendre attentif au sens de l’Ecriture ? Sans aller bien loin, qu’y avait-il de plus aisé que de lire ce qui est écrit un peu auparavant au même livre de la Genèse : « Que la terre produise des âmes vivantes », quand tous les animaux de la terre furent créés ? Et quelques lignes après, mais toujours au même livre : « Tout ce qui a esprit de vie et tout homme habitant la terre péri », pour dire que tout ce qui vivait sur la terre périt par le déluge ? Puis donc que nous trouvons une âme vivante et un esprit de vie, même dans les bêtes, selon la façon de parler de l’Ecriture, et qu’au lieu même où elle dit : « Toutes les choses qui ont un esprit de vie », le grec ne porte pas pneuma, mais pnoè, que ne disons-nous aussi : Où est la nécessité de dire vivante, l’âme ne pouvant être, si elle ne vit, et d’ajouter de vie, après avoir dit esprit ? Cela nous fait donc voir que lorsque l’Ecriture n usé de ces mêmes termes en parlant de l’homme, elle ne s’est point éloignée de son langage ordinaire ; mais elle a voulu que l’on entendît par là le principe du sentiment dans les animaux ou les corps animés. Et dans la formation de l’homme, n’oublions pas encore que l’Ecriture reste fidèle à son langage habituel, quand elle nous enseigne qu’en recevant l’âme raisonnable, non pas émanée de la terre ou des eaux, comme l’âme des créatures charnelles, mais créée par le souffle de Dieu, l’homme n’en est pas moins destiné à vivre dans un corps animal, où réside une âme vivante, comme ces animaux dont l’Ecriture a dit : « Que la terre produise toute âme vivante » ; et quand elle dit également qu’ils ont l’esprit de vie, le grec portant toujours pnoè et non pneuma, ce n’est assurément pas le Saint-Esprit, mais bien l’âme vivante qui est désignée par cette expression.

Le souffle de Dieu, disent-ils encore, est sorti de sa bouche ; de sorte que si nous croyons que c’est l’âme, il s’ensuivra que nous serons obligés aussi d’avouer qu’elle est consubstantielle et égale à cette Sagesse qui a dit : « Je suis sortie de la bouche du Très-Haut ». Mais la Sagesse ne dit pas qu’elle est le souffle de Dieu, mais qu’elle est sortie de sa bouche. Or, de même que nous pouvons former un souffle, non de notre âme, qui nous fait hommes, mais de l’air qui nous entoure et que