porel, est un bienfait divin, comment serait-ce un châtiment de reprendre de nouveau un corps ? Enfin, si Dieu renferme dans son intelligence éternelle les types de tous les animaux, comme Platon le répète si souvent[1], pourquoi ne les aurait-il pas créés tous de ses propres mains ? pourquoi lui aurait-il répugné d’être l’auteur de tant d’ouvrages qui réclament tout l’art de son intelligence infinie et infiniment louable ?
CHAPITRE XXVII.
C’est à juste titre que la véritable religion reconnaît et proclame Dieu comme le créateur de tout l’univers et de tous les animaux, c’est-à-dire des âmes aussi bien que des corps. Parmi les animaux terrestres, l’homme tient le premier rang, comme ayant été fait à l’image de Dieu ; et s’il a été créé un (sans être créé seul), c’est, je crois, par la raison que j’ai donnée ou par quelque autre encore meilleure. Il n’est point sur terre, en effet, d’animal plus sociable de sa nature, quoiqu’il n’y en ait point que le vice rende plus farouche. La nature, pour empêcher ou pour guérir le mal de la discorde, n’a pas de plus puissant moyen que de faire souvenir les hommes qu’ils viennent tous d’un seul et même père. De même, la femme n’a été tirée de la poitrine de l’homme que pour nous rappeler combien doit être étroite l’union du mari et de la femme. Si les ouvrages de Dieu paraissent extraordinaires, c’est parce qu’ils sont les premiers ; et ceux qui n’y croient pas ne doivent non plus croire à aucun prodige ; car ce qui arrive selon le cours ordinaire de la nature n’est plus un prodige. Mais est-il possible que rien ait été fait en vain, si cachées qu’en soient les causes, sous le gouvernement de la divine Providence ? « Venez, s’écrie le Psalmiste, voyez les ouvrages du Seigneur, et les prodiges qu’il a faits sur la terre[2] ». Je ne veux point du reste insister ici sur cet objet, et je me réserve d’expliquer ailleurs pourquoi la femme a été tirée du côté de l’homme et de quelle vérité ce premier prodige est la figure.
Terminons donc ce livre et disons, sinon encore au nom de l’évidence, au nom du moins de la prescience de Dieu, que deux sociétés, comme deux grandes cités, ont pris naissance dans le premier homme. En effet, de cet homme devaient sortir d’autres hommes, dont les uns, par un secret mais juste jugement de Dieu, seront compagnons des mauvais anges dans leurs supplices, et les autres des bons dans leur gloire, et, puisqu’il est écrit que « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[3] », sa grâce ne peut être injuste, ni sa justice cruelle.