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LA CITÉ DE DIEU.

même jour répété sept fois, nombre qui est également parfait, quoique pour une autre raison, il marque le repos de Dieu[1], et il est le premier que Dieu ait sanctifié[2]. Ainsi, Dieu n’a pas voulu sanctifier ce jour par ses ouvrages, mais par son repos, qui n’a point de soir, car il n’y a plus dès lors de créature, qui, étant connue dans le Verbe de Dieu autrement qu’en elle-même, constitue la distinction du jour en matin et en soir[3]. Il y aurait beaucoup de choses à dire touchant la perfection du nombre sept ; mais ce livre est déjà long, et je crains que l’on ne m’accuse de vouloir faire un vain étalage de ma faible science. Je dois donc imposer une règle à mes discours, de peur que, parlant du nombre avec excès, il ne semble que je manque moi-même à la loi du nombre et de la mesure. Qu’il me suffise d’avertir ici que trois est le premier nombre impair, et quatre le premier pair, et que ces deux nombres pris ensemble font celui de sept. On l’emploie souvent par cette raison, pour marquer indéfiniment tous les nombres, comme quand il est dit : « Sept fois le juste tombera, et il se relèvera[4] », c’est-à-dire, il ne périra point, quel que soit le nombre de ses chutes. Par où il ne faut pas entendre des péchés, mais des afflictions qui conduisent à l’humilité. Le Psalmiste dit aussi : « Je vous louerai sept fois le jour[5] » ; ce qui est exprimé ailleurs ainsi : « Les louanges seront toujours en ma bouche[6] ». Il y a beaucoup d’autres endroits semblables dans l’Ecriture, où le nombre sept marque une généralité indéfinie. Il est encore souvent employé pour signifier le Saint-Esprit, dont Notre-Seigneur dit : « Il vous enseignera toute vérité[7] ». En ce nombre est le repos de Dieu, je veux dire le repos qu’on goûte en Dieu ; car le repos se trouve dans le tout, c’est à savoir dans le plein accomplissement, et le travail dans la partie. Aussi la vie présente est-elle le temps du travail, parce que nous n’avons que des connaissances partielles[8] ; mais lorsque ce qui est parfait sera arrivé, ce qui n’est que partiellement s’évanouira. De là vient encore que nous avons ici-bas de la peine à découvrir le sens de l’Ecriture ; mais il en est tout autrement des saints anges, dont la société glorieuse fait l’objet de nos désirs dans ce laborieux pèlerinage : comme ils jouissent d’un état permanent et immuable, ils ont une facilité pour comprendre égale à la félicité de leur repos. C’est sans peine qu’ils nous aident, et leurs mouvements spirituels, libres et purs, ne leur coûtent aucun effort.

CHAPITRE XXXII.
DE CEUX QUI CROIENT QUE LA CRÉATION DES ANGES A PRÉCÉDÉ CELLE DU MONDE.

Quelqu’un prétendra-t-il que ces paroles de la Genèse : « Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite », ne doivent point s’entendre de la création des anges, mais d’une lumière corporelle, quelle qu’elle soit ; et que les anges ont été créés, non-seulement avant le firmament, mais aussi avant toute autre créature ? alléguera-t-il, à l’appui de cette opinion, que le premier verset de la Genèse ne signifie pas que le ciel et la terre furent les premières choses que Dieu créa, puisqu’il avait déjà créé les anges, mais que toutes choses furent créées dans sa sagesse, c’est-à-dire dans son Verbe, que l’Ecriture nomme ici Principe[9], nom qu’il prend lui-même dans l’Evangile[10], lorsqu’il répond aux Juifs qui lui demandaient qui il était[11]. Je ne combattrai point cette interprétation, à cause de la vive satisfaction que j’éprouve à voir la Trinité marquée dès le commencement du saint livre de la Genèse. On y lit, en effet : « Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre », ce qui peut signifier que le Père a créé le monde dans son Fils, suivant ce témoignage du psaume : « Que vos œuvres, Seigneur, sont magnifiques ! Vous avez fait toutes choses dans votre sagesse[12] ». Aussi bien l’Ecriture ne tarde pas à faire mention du Saint-Esprit. Après avoir décrit la terre, telle que Dieu l’a créée primitivement, c’est-à-dire cette masse ou matière que Dieu avait préparée sous le nom du ciel et de la terre pour la structure de l’univers, après avoir dit : « Or, la terre était invisible et informe, et les ténèbres étaient répandues sur l’abîme » ; elle ajoute aussitôt, comme pour compléter le nombre des personnes de la Trinité : « Et l’Esprit de Dieu

  1. Gen. II, 1.
  2. Comp. De Gen. ad litt., lib. v, n. 1-3, et lib. iv, n. 7-9 ; Gen. ii, 3.
  3. Voyez plus haut, ch. 7.
  4. Prov. XXIV, 16.
  5. Ps. cxviii, 164.
  6. Ps. xxxiii, 1.
  7. Jean, xvi ; 13.
  8. I Cor. xiii, 9.
  9. Dans le principe, dit la Genèse, Dieu créa le ciel et la terre.
  10. Jean, viii, 25.
  11. Voici le passage de saint Jean : « Ils lui dirent : Qui êtes-vous donc ? Jésus leur répondit : Je suis le principe ».
  12. Ps. ciii, 25.