Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XIII.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
LA CITÉ DE DIEU.

devait se trouver cette voie universelle de la délivrance de l’âme, il lui fut ordonné d’abandonner son pays, ses parents et la maison de son père. Alors Abraham, délivré des superstitions des Chaldéens, adora le seul vrai Dieu et ajouta foi à ses promesses. La voilà cette voie universelle dont le Prophète a dit : « Que Dieu ait pitié de nous et qu’il nous bénisse ; qu’il fasse luire sur nous la lumière de son visage, et qu’il nous soit miséricordieux, afin que nous connaissions votre voie sur la terre et le salut que vous envoyez à toutes les nations[1] ». Voilà pourquoi le Sauveur, qui prit chair si longtemps après de la semence d’Abraham, a dit de soi-même : « Je suis la voie, la vérité et la vie[2] ». C’est encore cette voie universelle dont un autre prophète a parlé en ces termes, tant de siècles auparavant : « Aux derniers temps, la montagne de la maison du Seigneur paraîtra sur le sommet des montagnes et sera élevée par-dessus toutes les collines. Tous les peuples y viendront, et les nations y accourront et diront : Venez, montons sur la montagne du Seigneur et dans la maison du Dieu de Jacob ; il nous enseignera sa voie et nous marcherons dans ses sentiers ; car la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem[3] ». Cette voie donc n’est pas pour un seul peuple, mais pour toutes les nations ; et la loi et la parole du Seigneur ne sont pas demeurées dans Sion et dans Jérusalem ; mais elles en sont sorties pour se répandre par tout l’univers. Le Médiateur même, après sa résurrection, dit par cette raison à ses disciples, que sa mort avait troublés : « Il fallait que tout ce qui est écrit de moi, dans la loi, dans les prophètes et dans les psaumes, fût accompli. Alors il leur ouvrit l’esprit pour entendre les Ecritures, et il leur dit : Il fallait que le Christ souffrît et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et que l’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, à commencer par Jérusalem[4] ». La voilà donc cette voie universelle de la délivrance de l’âme, que les saints anges et les saints prophètes ont d’abord figurée partout où ils ont pu, dans le petit nombre de personnes en qui ils ont honoré la grâce de Dieu, et surtout dans les Hébreux, dont la république était comme consacrée pour la prédication de la Cité de Dieu chez toutes les nations de la terre : ils l’ont figurée par le tabernacle, par le temple, par le sacerdoce et par les sacrifices ; ils l’ont prédite par des prophéties, quelquefois claires et plus souvent obscures et mystérieuses ; mais quand le Médiateur lui-même, revêtu de chair, et ses bienheureux Apôtres ont manifesté la grâce du Nouveau Testament, ils ont fait connaître plus clairement cette voie qui avait été cachée dans les ombres des siècles précédents, quoiqu’il ait toujours plu à Dieu de la faire entrevoir en tous temps, comme je l’ai montré plus haut, par des signes miraculeux de sa puissance. Les anges ne sont pas seulement apparus comme autrefois, mais, à la seule voix des serviteurs de Dieu agissant d’un cœur simple, les esprits immondes ont été chassés du corps des possédés, les estropiés et les malades guéris ; les bêtes farouches de la terre et des cieux, les oiseaux du ciel, les arbres, les éléments, les astres ont obéi à leurs ordres ; l’enfer a cédé à leur pouvoir et les morts sont ressuscités. Et je ne parle point des miracles particuliers au Sauveur, tels surtout que sa naissance, où s’accomplit le mystère de la virginité de sa mère, et sa résurrection, type de notre résurrection à venir. Je dis donc que cette voie conduit à la purification de l’homme tout entier, et, de mortel qu’il était, le dispose en toutes ses parties à devenir immortel. Car afin que l’homme ne cherchât point divers modes de purification, l’un pour la partie que Porphyre appelle intellectuelle, l’autre pour la partie spirituelle, un autre enfin pour le corps, le Sauveur et purificateur véritable et tout-puissant a revêtu l’homme tout entier. Hors de cette voie, qui jamais n’a fait défaut aux hommes, soit au temps des promesses, soit au temps de l’accomplissement, nul n’a été délivré, nul n’est délivré, nul ne sera délivré.

Porphyre nous dit que la voie universelle de la délivrance de l’âme n’est point encore venue à sa connaissance par aucune tradition historique ; mais peut-on trouver une histoire à la fois plus illustre et plus fidèle que celle du Sauveur, laquelle a conquis une si grande autorité par toute la terre, et où les choses passées sont racontées de manière à prédire les choses futures, dont un grand nombre déjà accompli nous garantit l’accomplissement

  1. Ps. Lxvi, 1 et 2.
  2. Jean, xiv, 6.
  3. Isaïe, ii, 2 et 3.
  4. Luc, XXIV, 44-47.