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LA CITÉ DE DIEU.

comme ce que l’on rapporte des images des dieux pénates, rapportées de Troie par Enée et qui passèrent d’elles-mêmes d’un lieu à un autre[1] ; de Tarquin, qui coupa un caillou avec un rasoir[2] ; du serpent d’Epidaure, qui accompagna Esculape dans son voyage à Rome[3] ; de cette femme qui, pour prouver sa chasteté, tira seule avec sa ceinture le vaisseau qui portait la statue de la mère des dieux, tandis qu’un grand nombre d’hommes et d’animaux n’avaient pu seulement l’ébranler[4] ; de cette vestale qui témoigna aussi son innocence en puisant de l’eau du Tibre dans un crible[5] ; voilà bien des miracles, mais aucun n’est comparable, ni en grandeur, ni en puissance, à ceux que l’Ecriture nous montre accomplis pour le peuple de Dieu. Combien moins peut-on leur comparer ceux que punissent et prohibent les lois des peuples païens eux-mêmes, je veux parler de ces œuvres de magie et de théurgie qui ne sont pour la plupart que de vaines apparences et de trompeuses illusions, comme, par exemple, quand il s’agit de faire descendre la lune, afin, dit le poëte Lucain, qu’elle répande de plus près son écume sur les herbes[6]. Et s’il est quelques-uns de ces prodiges qui semblent égaler ceux qu’accomplissent les serviteurs de Dieu, la diversité de leurs fins, qui sert à les distinguer les uns des autres, fait assez voir que les nôtres sont incomparablement plus excellents. En effet, les uns ont pour objet d’établir le culte de fausses divinités que leur vain orgueil rend d’autant plus indignes de nos sacrifices qu’elles les souhaitent avec plus d’ardeur ; les autres ne tendent qu’à la gloire d’un Dieu qui témoigne dans ses Ecritures qu’il n’a aucun besoin de tels sacrifices, comme il l’a montré plus tard en les refusant pour l’avenir. En résumé, s’il y a des anges qui demandent le sacrifice pour eux-mêmes, il faut leur préférer ceux qui ne le réclament que pour le Dieu qu’ils servent et qui a créé l’univers ; ces derniers, en effet, font bien voir de quel sincère amour ils nous aiment, puisqu’au lieu de nous soumettre à leur propre empire, ils ne cherchent qu’à nous faire parvenir vers l’être dont la contemplation leur promet à eux-mêmes une félicité inébranlable. En second lieu, s’il y a des anges qui, sans vouloir qu’on leur sacrifie, ordonnent qu’on sacrifie à plusieurs dieux dont ils sont les anges, il faut encore leur préférer ceux qui sont les anges d’un seul Dieu et qui nous défendent de sacrifier à tout autre qu’à lui, tandis que les autres n’interdisent pas de sacrifier à ce Dieu-là. Enfin, si ceux qui veulent qu’on leur sacrifie ne sont ni de bons anges, ni les anges de bonnes divinités, mais de mauvais démons, comme le prouvent leurs impostures et leur orgueil, à quelle protection plus puissante avoir recours contre eux qu’à celle du Dieu unique et véritable que servent les anges, ces bons anges qui ne demandent pas nos sacrifices pour eux, mais pour celui dont nous devons nous-mêmes être le sacrifice ?

CHAPITRE XVII.
DE L’ARCHE DU TESTAMENT ET DES MIRACLES QUE DIEU OPÉRA POUR FORTIFIER L’AUTORITÉ DE SA LOI ET DE SES PROMESSES.

C’est pour cela que la loi de Dieu, donnée au peuple juif par le ministère des anges, et qui ordonnait d’adorer le seul Dieu des dieux, à l’exclusion de tous les autres, était déposée dans l’arche dite du Témoignage. Ce nom indique assez que Dieu, à qui s’adressait tout ce culte extérieur, n’est point contenu et enfermé dans un certain lieu, et que si ses réponses et divers signes sensibles sortaient en effet de cette arche, ils n’étaient que le témoignage visible de ses volontés. La loi elle-même était gravée sur des tables de pierre et renfermée dans l’arche, comme je viens de le dire. Au temps que le peuple errait dans le désert, les prêtres la portaient avec respect avec le tabernacle, dit aussi du Témoignage, et le signe ordinaire qui l’accompagnait était une colonne de nuée durant le jour et une colonne de feu durant la nuit[7]. Quand cette nuée marchait, les Hébreux levaient leur camp, et ils campaient, quand elle s’arrêtait[8]. Outre ce miracle et les voix qui se faisaient entendre de l’arche, il y en eut encore d’autres qui rendirent témoignage à la loi ; car, lorsque le

  1. Voyez Varron (dans Servius, ad Æneid., lib. i, vers 368).
  2. Cicéron et Tite-Live rapportent que l’augure Actius Navius, sur le défi de Tarquin l’ancien, coupa un caillou avec un rasoir (Voyez Cicéron, De divin., lib. i, cap. 17, et De nat. Deor., lib. ii. — Tite-Live, lib. i, cap. 35).
  3. Voyez Tite-Live, Epit., lib. xi ; Valère Maxime, lib. i, cap. 8, § 2, et Ovide, Metamorph., lib. xv, vers 622 et suiv.
  4. Voyez Tite-Live, lib. xxix, cap. 14 ; Ovide, Fastes, lib. iv, v. 295 et suiv., et Properce, lib. iv, eleg. 2.
  5. Voyez Denys d’Halycarnasse, Antiquit., lib. ii, cap. 67 ; Pline, Hist. nat., lib. xxviii, cap. 2 ; Valère Maxime, lib. viii, cap. 1, § 5.
  6. Lucain, Phars., lib. vi, vers 503. — Comp. Aristophane, Nuées, vers 749 seq.
  7. Exod. XIII, 21.
  8. Ibid. XL, 34.