jets comme des récompenses de la vertu et des biens d’un grand prix. Voilà tout le secret de l’Ancien Testament qui cachait le Nouveau sous ses figures. On y promettait les biens de la terre, mais les âmes spirituelles comprenaient déjà, quoique sans le proclamer hautement, que ces biens temporels figuraient ceux de l’éternité, et elles n’ignoraient pas en quels dons de Dieu consiste la félicité véritable.
CHAPITRE XXXIV.
Au surplus, pour montrer que c’est de lui, et non de cette multitude de faux dieux adorés par les Romains, que dépendent les biens de la terre, les seuls où aspirent ceux qui n’en peuvent concevoir de meilleurs, Dieu voulut que son peuple se multipliât prodigieusement en Égypte, d’où il le tira ensuite par des moyens miraculeux. Cependant les femmes juives n’invoquaient point la déesse Lucine, quand Dieu sauva leurs enfants des mains des Égyptiens qui les voulaient exterminer tous[1]. Ces enfants furent allaités sans la déesse Rumina, et mis au berceau sans la déesse Cunina. Ils n’eurent pas besoin d’Educa et de Potina pour boire et pour manger. Leur premier âge fut soigné sans le secours des dieux enfantins ; ils se marièrent sans les dieux conjugaux, et s’unirent à leurs femmes sans avoir adoré Priape. Bien qu’ils n’eussent pas invoqué Neptune, la mer s’ouvrit devant eux, et elle ramena ses flots sur les Égyptiens. Ils ne s’avisèrent point d’adorer une déesse Mannia, quand ils reçurent la marine du ciel, ni d’invoquer les Nymphes quand, du rocher frappé par Moïse, jaillit une source pour les désaltérer. Ils firent la guerre sans les folles cérémonies de Mars et de Bellone ; et s’ils ne furent pas, j’en conviens, victorieux sans la Victoire, ils virent en elle, non une déesse, mais un don de leur Dieu. Enfin ils ont eu des moissons sans Segetia, des bœufs sans Bubona, du miel sans Mellona, et des fruits sans Pomone[2] ; et, en un mot, tout ce que les Romains imploraient de cette légion de divinités, les Juifs l’ont obtenu, et d’une façon beaucoup plus heureuse, de l’unique et véritable Dieu. S’ils ne l’avaient point offensé en s’abandonnant à une curiosité impie, qui, pareille à la séduction des arts magiques, les entraîna vers les dieux étrangers et vers les idoles, et finit par leur faire verser le sang de Jésus-Christ, nul doute qu’ils n’eussent maintenu leur empire, sinon plus vaste, au moins plus heureux que celui des Romains. Et maintenant les voilà dispersés à travers les nations, par un effet de la providence du seul vrai Dieu, qui a voulu que nous pussions prouver par leurs livres que la destruction des idoles, des autels, des bois sacrés et des temples, l’abolition des sacrifices ; en un mot que tous ces événements, dont nous sommes aujourd’hui témoins, ont été depuis longtemps prédits ; car si on ne les lisait que dans le Nouveau Testament, on s’imaginerait peut-être que nous les avons controuvés. Mais réservons ce qui suit pour un autre livre, celui-ci étant déjà assez long.