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mais il n’en est pas ainsi dans cette nature ineffable et simple. Car tout ce qui semble, là, désigner une qualité, doit s’entendre de la substance ou essence. Gardons-nous de dire que Dieu est esprit quant à la substance, et bon quant à la qualité ; car ces deux choses tiennent à sa substance, Et ainsi des autres attributs que j’ai cités tout à l’heure et dont j’ai déjà longuement parlé dans les livres précédents. Choisissons-en donc un parmi les quatre premiers que j’ai mentionnés dans cet ordre : éternel, immortel, incorruptible, immuable ; puisque les quatre ne font qu’un, comme je l’ai déjà dit. Pour ne pas fatiguer l’attention du lecteur, prenons le premier des quatre : c’est-à-dire l’éternité. Appliquons le même procédé aux quatre suivants : vivant, sage, puissant, beau. Et comme l’animal a une vie quelconque, mais point de sagesse ; comme ces deux qualités, sagesse et puissance sont ainsi rapprochées dans l’homme par la divine Ecriture : « Le sage est meilleur que le fort (Sag., V, 1 ) » comme, d’autre part, on a l’usage de dire de certains corps qu’ils sont beaux choisissons, dans ces quatre attributs, la sagesse. Non qu’ils soient inégaux dans Dieu ce sont quatre noms, mais la chose est une. Quant aux trois derniers, bien qu’en Dieu ce soit la même chose d’être juste, bon, heureux, la même chose d’être esprit, juste, bon et heureux : cependant comme, dans l’homme, il peut y avoir un esprit qui ne soit pas heureux ; que cet esprit peut être bon et juste sans être heureux, et que celui qui est heureux est certainement un esprit juste et bon : choisissons entre les quatre ce qui suppose nécessairement les trois autres : heureux.


CHAPITRE VI.

COMMENT IL Y A TRINITÉ DANS LA SIMPLICITÉ MÊME DE DIEU. LA TRINITÉ DIVINE SE DÉMONTRE-T-ELLE PAR LES TRINITÉS TROUVÉES DANS L’HOMME ET COMMENT ?


9. Quand donc nous disons : éternel, sage, heureux, ces trois choses sont-elles la Trinité qu’on appelle Dieu ? Nous réduisons, il est vrai, ces douze attributs à trois ; mais peut-être pouvons-nous réduire encore ces trois à un seul. Si, en effet, sagesse et puissance, ou vie et sagesse peuvent n’être qu’une seule et même chose dans la nature de Dieu ; pourquoi éternité et sagesse, ou bonheur et sagesse, ne seraient-ils pas aussi une seule et même chose dans cette même nature divine ? Par conséquent, comme il n’importait pas de dire douze attributs ou trois, puisque nous avons réduit douze à trois ; il n’importe pas davantage de dire trois ou un, cet un auquel nous avons fait voir qu’on peut réduire les trois. Mais quelle méthode de discussion, quelle vigueur et quelle puissance d’intelligence, quelle vivacité de raison, quelle pénétration d’esprit nous démontrera — pour ne rien dire de plus — comment cet un, cette sagesse qui s’appelle Dieu, est Trinité ? Car Dieu ne reçoit pas la sagesse d’un autre, comme nous la recevons de lui ; mais il est lui—même sa propre sagesse, puisque sa sagesse n’est pas autre chose que son essence, et qu’être et être sage sont pour lui la même chose. Sans doute les Saintes-Ecritures appellent le Christ vertu de Dieu et sagesse de Dieu (Cor., I, 24 ) ; mais nous avons fait voir dans le septième livre (Ch., I, 3 ) que ces paroles ne doivent pas s’entendre en ce sens que le Fils rend le Père sage, et la raison va jusqu’à nous faire voir que le Fils est sagesse de sagesse, comme il est lumière de lumière, et Dieu de Dieu. Et, du Saint-Esprit, nous n’avons pu découvrir autre chose sinon qu’il est aussi Sagesse, et que les trois personnes ne sont qu’une seule sagesse, comme elles ne sont qu’un seul Dieu et, une seule essence. Comment donc comprendre que cette sagesse, qui est Dieu, est aussi Trinité ? Je n’ai pas dit : comment croire ? car c’est-là un point hors de toute question pour les fidèles : mais s’il est un moyen pour l’intelligence de voir ce que nous croyons, quel est ce moyen ? 10. Si nous cherchons dans lequel de ces livres la Trinité a commencé à nous apparaître, nous trouvons que c’est dans le huitième. C’est là en effet que la discussion nous a amené à tourner, autant que possible, l’attention du lecteur vers cette parfaite et immuable nature, qui n’est pas notre âme. Nous la considérions alors comme étant proche de nous et pourtant au-dessus de nous, non localement, mais par sa respectable et merveilleuse présence, tellement qu’elle semblait être actuellement en nous par sa lumière. Cependant nous n’y découvrions pas encore de trinité, parce que l’éblouissement ne nous