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et par volonté j’entends l’amour ou dilection qui unit ce père et ce fils, et leur est en certaine façon commune à tous deux. Voilà comment j’ai pu, dans le onzième livre, venir en aide aux lecteurs peu intelligents, au moyen d’exemples tirés des objets extérieurs et visibles pour les yeux du corps. Puis je suis entré avec eux chez l’homme intérieur, où règne cette faculté qui raisonne sur les choses temporelles, mais en prenant soin d’y distinguer une partie principale et dominante, qui s’applique à la contemplation des choses éternelles. Ç’a été la matière de deux livres : dans le douzième, j’ai établi la différence entre la partie supérieure et la partie inférieure, qui doit être soumise à l’autre ; dans le treizième, j’ai parlé le plus solidement et le plus brièvement possible de la fonction de la partie inférieure, qui s’étend à la science utile des choses humaines et nous apprend à user de cette vie passagère en vue d’acquérir la vie éternelle : sujet compliqué, très-riche, illustré parles grands et nombreux travaux d’une foule de grands hommes, mais que j’ai dû resserrer en un seul livre, pour y faire voir une trinité qu’on ne peut cependant pas encore appeler l’image de Dieu.


CHAPITRE VIII.

C’EST DANS LA PARTIE PRINCIPALE DE L’ÂME QU’IL FAUT CHERCHER LA TRINITÉ QUI EST L’IMAGE DE DIEU.

11. Nous voici maintenant arrivé à ce point de la discussion, où nous devons, d’après notre plan, étudier la partie principale de l’âme humaine, celle par laquelle elle connaît Dieu ou peut le connaître, afin d’y découvrir l’image de Dieu. Car, bien que l’âme humaine ne soit pas de même nature que Dieu, cependant l’image de la plus parfaite de toutes les natures doit se chercher et se trouver dans ce qu’il y a de plus parfait dans notre nature. Mais d’abord, il faut considérer l’âme en elle-même, avant toute participation à la divinité et y trouver l’image de Dieu. Nous avons dit que, quoique privée par sa faute de l’amitié de Dieu, quoique dégradée et difforme, elle est cependant restée l’image de Dieu ( Ch., IV. ). Elle est en effet son image par le seul fait qu’elle est capable de le connaître et de le posséder avantage immense qu’elle ne doit qu’à l’honneur d’être l’image de Dieu. Voilà donc que l’âme se souvient d’elle-même, qu’elle se comprend, qu’elle s’aime : dès lors nous découvrons une trinité, non pas Dieu encore, mais son image. La mémoire n’a pas tiré du dehors ce qu’elle contient ; l’intelligence n’a pas trouvé au dehors ce qu’elle voit, à l’instar de l’œil du corps ; la volonté n’a pas uni au dehors ces deux choses, comme cela arrive pour les objets matériels et l’impression qu’ils produisent dans le regard du spectateur. Il ne s’agit pas non plus de l’image d’une chose extérieure saisie au vol, cachée dans la mémoire, que la pensée trouve quand elle se tourne de ce côté-là, et d’où se forme le regard du souvenir, image et regard que là volonté unit, elle troisième. Tout cela avait lieu dans ces espèces de trinités que nous avons découvertes dans les objets matériels, ou qui sont violemment introduites par eux dans l’homme intérieur au moyen des sens corporels, et dont nous avons parlé dans le onzième livre (Ch., II et suiv. ). Il n’est pas davantage question dé ce qui se passait ou semblait se passer quand nous parlions de la science déjà établie sur les opérations de l’homme intérieur, mais distincte de la sagesse : science qui renferme ce que l’âme acquiert ; soit par la connaissance de l’histoire, comme les faits et les paroles qui ont pris place dans le temps en passant ; soit ce qui tient à la nature des choses dans des lieux et des pays particuliers ; soit ce qui prend naissance dans l’homme lui-même, ou par un enseignement étranger, ou en vertu de ses propres pensées, comme la foi par exemple — dont nous avons beaucoup parlé dans le livre treizième — ou les vertus par lesquelles, si elles sont vraies, cette vie mortelle est réglée de manière à mériter l’immortalité bienheureuse que Dieu nous a promise. Toutes ces choses et d’autres du même genre ont leur place dans le temps, et nous ont aidé à voir plus clairement la trinité formée de la mémoire, de la vision et de l’amour. En effet, quelques-unes d’entre elles existent avant d’être connues de ceux qui les apprennent, elles sont susceptibles d’être connues même avant d’être connues, et elles engendrent leur propre connaissance chez ceux qui les apprennent. Les unes sont dans un lieu fixe, les autres ont passé avec le temps. Au fait celles qui ont passé avec le temps n’existent réellement plus ; il n’en reste que certains signes pour la vue ou