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heureux, et cependant tous n’ont pas la foi qui purifie le cœur et conduit au bonheur. Ainsi donc c’est par cette foi, que tous ne veulent pas, qu’il faut tendre au bonheur que personne ne peut ne pas vouloir. Chacun voit dans son cœur qu’il veut être heureux, et ; sur ce point, l’accord est si universel, qu’on ne se trompe jamais en jugeant de l’âme des autres d’après la sienne ; en deux mots, nous savons que c’est là le vœu de tous. Or, beaucoup désespèrent d’être immortels, bien que, sans cela, ce qu’ils désirent, c’est-à-dire le bonheur, soit impossible. Cependant ils voudraient être immortels s’ils pouvaient l’être, mais ne croyant pas le pouvoir, ils ne vivent pas de façon à pouvoir le mériter. La foi est donc nécessaire pour parvenir au bonheur, à la jouissance de tous lesbiens, soit de l’âme, soit du corps. Or, que cette foi repose sur le Christ qui est ressuscité d’entre les morts dans sa chair, pour ne plus jamais mourir ; que personne ne puisse être délivré que par lui de l’empire du démon au moyen de la rémission des péchés ; que la vie soit nécessairement malheureuse avec le démon, et que cette vie, ou plutôt cette mort, soit sans terme : voilà encore ce que cette même foi nous enseigne. J’en ai parlé dans ce livre comme je l’ai pu et aussi longtemps que je l’ai pu ; et déjà j’en avais traité longuement dans le quatrième livre de cet ouvrage (Ch., XIX-XXI ), mais dans un but différent : là, pour faire voir pourquoi et comment le Christ a été envoyé par le Père dans la plénitude du temps(Gal., IV, 4 ) et réfuter ceux qui prétendent que Celui qui envoie et Celui qui est envoyé ne peuvent être égaux en nature ; ici, pour établir la distinction entre la science active et la sagesse contemplative. 26. Nous avons cherché à découvrir dans l’une et dans l’autre, et en montant, pour ainsi dire, par degrés, une certaine trinité particulière (sui generis) appartenant à l’homme intérieur, comme déjà nous en avions cherché une dans l’homme extérieur. Notre but était d’exercer notre intelligence sur des objets d’un ordre inférieur, afin d’arriver dans la mesure de nos forces, et si cela est possible, à contempler au moins en énigme et à travers un miroir (I Cor., XIII, 12 ), la souveraine Trinité qui est Dieu. L’homme qui confie à sa mémoire les paroles de la foi, sans même en comprendre la signification, comme on retient, par exemple, des mots grecs, ou latins ou de toute autre langue qu’on ignore : cet homme n’a-t-il déjà pas en son âme une certaine trinité, à savoir : le son des mots que sa mémoire conserve, même quand il n’y pense pas ; puis la pensée qui naît du souvenir, quand il y songe, et enfin la volonté qui unit le souvenir et la pensée ? Cependant nous ne dirons pas que, dans cette opération, il agisse selon la trinité de l’homme intérieur : c’est bien plutôt selon la trinité de l’homme extérieur, puisque le souvenir qu’il se rappelle, quand il le veut et autant qu’il le veut, ne se rattache qu’au sens corporel qu’on appelle l’ouïe, et qu’il n’y a dans sa pensée autre chose que des images d’objets matériels, c’est-à-dire de sons. Mais s’il sait et se rappelle le sens des paroles, c’est déjà une opération de l’homme intérieur ; cependant on ne peut pas encore dire qu’il vive selon la trinité de l’homme intérieur, à moins qu’il n’aime les enseignements, les préceptes, les promesses renfermés dans ces paroles. Il peut même se les rappeler et y penser, tout en les croyant faux et en cherchant à les réfuter. Ainsi la volonté qui unit le souvenir de la mémoire et l’impression qui en résulte dans le regard de la pensée, complète, elle troisième, une sorte de trinité ; mais on ne vit pas selon cette trinité quand on repousse comme fausses les impressions de la pensée. Mais quand on les croit vraies et qu’on aime ce qu’il y a à aimer, alors seulement on vit selon la trinité de l’homme intérieur : car l’homme vit selon ce qu’il aime. Or comment aimer ce que l’on ignore, mais que l’on croit ? Nous avons déjà traité cette question dans les livres précédents (Liv., VIII, ch. et suiv., ; Liv., X, ch. I, etc.,), et prouvé que personne ne peut aimer ce qu’il ignore complètement, et que quand on est dit aimer l’inconnu., c’est en vertu de quelque chose de connu. Maintenant nous disons, pour conclusion de ce livre, que le juste vit de la foi ( Rom., I, 17 ), de la foi qui agit par la charité (Gal., V, 6 ), en sorte que les vertus mêmes qui règlent la vie, la prudence, la force, la tempérance et la justice, se rapportent toutes à cette même foi, sans quoi elles ne seraient pas de véritables vertus. Du reste, quelle que soit leur valeur, elles ne peuvent en cette vie dispenser de la rémission de tous les péchés, et celle-ci