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plus belle récompense de l’obéissance que dans la chair d’un si grand médiateur, ressuscité pour la vie éternelle ? Enfin il était digne de la justice et de la bonté du Créateur que le démon fût vaincu par cette même créature raisonnable qu’il se flattait d’avoir vaincue, et provenant de ce même genre humain que la faute d’un seul avait vicié dans son origine et livré à son pouvoir.

CHAPITRE XVIII. POURQUOI LE FILS DE DIEU A PRIS SON HUMANITÉ DANS LA RACE D’ADAM ET DANS LE SEIN D’UNE VIERGE.

23. Assurément Dieu pouvait prendre la nature humaine, qui devait servir de médiatrice entre Dieu et l’homme, ailleurs que dans la race d’Adam, de celui qui avait souillé par son péché tout le genre humain ; il avait bien créé Adam lui-même, sans lui donner de parents. Il pouvait donc, ou de cette manière, ou de toute autre, créer un autre Adam pour vaincre celui qui avait vaincu le premier, Mais il a jugé convenable de tirer de la race vaincue l’homme qui devait servir à vaincre l’ennemi du genre humain. Néanmoins, il a voulu le faire naître d’une Vierge, que l’Esprit et non la chair, la foi et non la passion, ont rendue féconde (Luc., I, 26-38 ). Ici point de cette concupiscence sensuelle, origine commune des esclaves du péché originel ; c’est bien au-dessus de ses atteintes, par la foi et non par l’union charnelle, que la sainte virginité a été fécondée ; il fallait que le fruit qui devait naître de la race du premier homme, tînt de lui son origine, et non son crime. En effet, ce qui naissait ici n’était plus une nature viciée par la contagion originelle, mais un remède, l’unique remède à tous les vices de l’humanité. Ce qui naissait, dis-je, c’était un homme qui n’avait point de péché, qui n’en pouvait jamais avoir, et qui devait rendre la vie, en les délivrant du péché, à ceux qui ne pouvaient naître sans péché. Car, bien que la chasteté conjugale dirige à bonne fin la concupiscence charnelle dont le siége est dans les parties sexuelles, toutefois cette concupiscence a des mouvements involontaires qui prouvent assez ou qu’elle n’a pu exister dans le paradis terrestre avant le péché, ou que, si elle y existait, elle n’était pas de nature à se soustraire parfois à l’empire de la volonté. Mais telle que nous l’éprouvons maintenant, elle combat, nous le sentons, la loi de l’esprit, elle stimule la passion charnelle, même en dehors de l’union conjugale ; si on lui cède elle ne s’assouvit qu’en péchant ; si on lui résiste, elle s’agite sous le frein : et peut-on douter que ces deux inconvénients aient été inconnus dans le paradis à l’homme encore innocent ? Car, là, l’innocence excluait tout péché, et le bonheur, tout trouble. Donc il était nécessaire que cette concupiscence charnelle fût bannie, quand une Vierge concevait Celui en qui l’auteur de la mort ne devait rien trouver qui méritât la mort, bien qu’il dût la lui donner, pour être à son tour vaincu par la mort de l’auteur de la vie : lui le vainqueur du premier Adam et le maître du genre humain, vaincu par le second Adam et perdant ses droits sur le peuple chrétien, lequel est délivré, au milieu du genre humain, du crime de l’humanité par celui qui était exempt de crime, quoique membre de la race humaine : en sorte que le trompeur a été vaincu par l’espèce qu’il avait vaincue par le crime. Et tout cela s’est fait pour que l’homme ne s’enfle pas d’orgueil, pour que « celui qui « se glorifie, se glorifie dans le Seigneur ». En effet le vaincu n’était qu’un homme, et il a été vaincu parce qu’il voulait être dieu, tandis que le vainqueur était homme et Dieu ; et le fils d’une Vierge a vaincu, parce que Dieu ne se contentait pas de le gouverner comme les autres saints, mais s’était humblement revêtu de lui. Or, ces précieux dons de Dieu et tant d’autres qu’il serait trop long de rechercher et d’exposer ici, n’eussent point existé, si le Verbe n’avait pas été fait chair.

CHAPITRE XIX. QUELLE EST LA PART DII LA SCIENCE, ET QUELLE EST LA PART DE LA SAGESSE DANS LE VERBE INCARNÉ.

24. Pour revenir à la distinction qu’il s’agit d’établir, tout ce que le Verbe, fait chair pour nous, a fait et souffert dans le temps et dans l’espace, appartient à la science et non à la sagesse. Quant au Verbe, considéré en dehors du temps et de l’espace, coéternel au Père et partout tout entier, tout ce qu’on en peut dire de conforme à la vérité, est parole de sagesse : par conséquent le Verbe fait chair, qui est le