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CHAPITRE IX. CE N’EST PAS LE RAISONNEMENT HUMAIN, MAIS LA FOI QUI NOUS DONNE LA CERTITUDE DE L’IMMORTALITÉ DANS LE BONHEUR.

12. La nature humaine est-elle capable de ce bonheur qu’elle reconnaît comme si désirable ? voilà une grave question. Mais si l’on consulte la foi qui anime ceux à qui Jésus a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu, tout doute disparaît. Parmi ceux qui ont essayé d’appuyer cette thèse sur des raisonnements humains, un bien petit nombre, doués d’un grand génie, ayant beaucoup de loisirs, très-versés dans les subtilités des sciences, ont pu parvenir à trouver des preuves de l’immortalité de l’âme seulement. Néanmoins ils n’ont pu découvrir pour elle un bonheur permanent, c’est-à-dire véritable : car ils ont prétendu qu’après avoir goûté ce bonheur, elle rentrait dans les misères de cette vie. Et ceux qui n’ont pas osé partager cette opinion, mais qui ont cru que l’âme, une fois purifiée, jouirait sans son corps d’un bonheur éternel, ont émis sur l’éternité du monde des idées tout à fait contradictoires à leur opinion sur l’âme. Il serait long d’en donner ici la preuve ; mais nous croyons nous être suffisamment étendu sur ce sujet dans le douzième livre de la Cité de Dieu (Ch., XX). Mais la foi chrétienne se fonde sur l’autorité de Dieu, et non sur le raisonnement humain, pour promettre l’immortalité, et par conséquent le vrai bonheur, à l’homme tout entier, à l’homme composé d’une âme et d’un corps. Voilà pourquoi, après que l’évangéliste a dit que Jésus a donné « le pouvoir d’être faits enfants de Dieu à ceux qui l’ont reçu »— c’est-à-dire, comme il l’explique en peu de mots, « à ceux qui croient en son nom » — après avoir ajouté comment seront faits enfants de Dieu ceux « qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » : pour ne pas nous décourager par la comparaison d’une si haute dignité avec ce poids d’infirmité humaine que nous voyons et que nous portons, il se hâte de dire : « Et le Verbe a été fait chair et il a habité parmi nous (Jean, I, 12, 14 ) » ; pour nous convaincre, par le contras(e, d’une chose qui eût semblé incroyable. En effet, si Celui qui est par nature Fils de Dieu, est devenu fils de l’homme par compassion pour les enfants des hommes — et cela est, puisque « le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous » hommes — combien n’est-il pas plus croyable que ceux qui sont par nature enfants des hommes, soient faits enfants de Dieu par la grâce de Dieu, et habitent en Dieu, en qui et par qui seul ils peuvent être heureux, en participant à son immortalité ? C’est pour nous convaincre de cette vérité que le Fils de Dieu a daigné revêtir notre nature mortelle.

CHAPITRE X. AUCUN MOYEN N’ÉTAIT PLUS CONVENABLE QUE L’INCARNATION DU VERBE POUR DÉLIVRER L’HOMME DES MISÈRES DE CETTE VIE MORTELLE. NOS MÉRITES SONT DES DONS DE DIEU.

13. C’est peu de réfuter ceux qui disent : Dieu n’avait-il donc pas d’autre moyen de délivrer l’homme des misères de cette vie mortelle, que d’exiger que son Fils unique, Dieu éternel comme lui, se fît homme, en prenant une âme et un corps semblables aux nôtres, devint mortel et souffrît la mort ? c’est peu, dis-je, de leur répondre en affirmant que ce moyen était bon, que Dieu, en daignant nous délivrer par Jésus-Christ homme et Médiateur entre Dieu et les hommes, a agi d’une manière conforme à sa dignité. Il faut aussi leur prouver que si Dieu, dont le domaine sur toutes choses est absolu, ne manquait pas d’autres moyens également possibles, il n’y en avait pas, et n’y en pouvait avoir de plus convenable pour guérir notre misère. Etait-il rien, en effet, de plus nécessaire, pour ranimer notre espérance, pour relever nos âmes abattues sous le fardeau de notre condition mortelle, les empêcher de désespérer de l’immortalité, que de nous faire voir combien Dieu nous estimait, et combien il nous aimait ? Or, était-il possible d’en donner une preuve plus claire, plus éclatante que celle-là : le Fils de Dieu, immuablement bon, restant ce qu’il était en lui-même, prenant de nous et pour nous ce qu’il n’était pas ; daignant, sans rien perdre de sa propre nature, revêtir la nôtre ; portant le poids de nos péchés, sans en avoir commis aucun ; et aussitôt que nous croyons à l’étendue de son amour, et que nous rentrons dans nos espérances perdues, nous versant ses dons, par pure générosité, sans que nous les ayons mérités en rien par