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grand. Mais le Père et le Fils ensemble ne sont rien de plus vrai que le Père seul ou le Fils seul. Donc les deux ensemble ne sont rien de plus grand que chacun d’eux. Et comme le Saint-Esprit est également vrai, le Père et le Fils ne sont rien de plus grand que lui, parce qu’ils ne sont rien de plus vrai. Et le Père et le Saint-Esprit ensemble, ne l’emportant point en vérité sur le Fils — car ils n’existent pas plus véritablement, — ne l’emportent point non plus en grandeur. De même le Fils et le Saint-Esprit ensemble sont aussi grands que le Père, parce qu’ils sont aussi réellement que lui. La Trinité elle-même est donc aussi grande que chacune des personnes qu’elle renferme. Car là où la vérité même est la grandeur, une personne qui n’est pas plus vraie ne peut être plus grande. Et la raison en est que dans l’essence de la vérité, être et être vrai sont la même chose ; être et être grand sont aussi la même chose : par conséquent, être vrai, c’est être grand. Donc, là, ce qui est également vrai, est nécessairement également grand.


CHAPITRE II.

POUR COMPRENDRE COMMENT DIEU EST VÉRITÉ, IL FAUT ÉCARTER DE SON ESPRIT TOUTE IMAGE MATÉRIELLE.

3. Dans l’ordre matériel, il peut arriver que tel or soit aussi vrai que tel autre, mais non que l’un soit plus grand que l’autre, parce que, là, la vérité n’est pas la grandeur, et que être or et être grand ne sont point la même chose. De même, dans la nature de l’âme, la grandeur ne se mesure pas sur la vérité. En effet, l’homme qui n’est pas magnanime a cependant une âme vraie : car l’essence du corps et de l’âme n’est pas l’essence même de la vérité ; comme dans la Trinité, où Dieu est un, unique, grand, vrai, vérace, vérité. Quand nous cherchons à le comprendre, autant qu’il le permet et l’accorde, écartons de notre esprit toute idée de contact ou de rapprochement dans l’espace, comme s’il s’agissait de trois corps ; toute idée de structure corporelle, comme la fable nous en montre une dans Géryon, le géant à trois corps ; rejetons sans hésiter toute image où trois seraient plus grands qu’un, où un serait moins que deux ; car c’est ainsi qu’on repousse toute idée corporelle. Et dans l’ordre spirituel, que rien de ce qui est sujet à changement ne soit pris pour Dieu. Quand, de la profondeur de notre misère, nous nous portons vers ces hauteurs, une bonne partie de la tâche est déjà remplie si, avant de pouvoir parvenir à savoir ce que Dieu est, nous venons à bout de savoir ce qu’il n’est pas. Or, il n’est certainement ni la terre, ni le ciel, ni rien qui ressemble à la terre ou au ciel, ni rien de pareil à ce que nous voyons dans le ciel ou que nous n’y voyons pas et qui est peut-être. Quand vous augmenteriez en imagination la lumière du soleil, son volume, sa clarté, mille fois ou une multitude innombrable de fois, ce ne serait pas encore Dieu. Quand vous vous figureriez les anges, ces esprits purs qui animent les corps célestes, les changent ou les dirigent par leur volonté soumise à celle de Dieu, quand vous les réuniriez tous — et ils sont des milliers de milliers (Apoc., V, 11 ) — et que vous n’en formeriez qu’un seul être, ce ne serait pas encore Dieu ; pas même si vous vous imaginiez ces mêmes esprits sans formes corporelles, ce qui est très-difficile à notre pensée charnelle. Comprends donc, situ le peux, ô âme accablée par un corps sujet à la corruption, et obscurcie par une innombrable variété de pensées terrestres ; comprends cela si tu le peux : Dieu est vérité (Sag., IX, 15 ). Car il est écrit, « que Dieu est lumière (I Jean, I, 5 ) » ; non une lumière comme celle que nous voyons des yeux du corps, mais comme ton cœur la voit, quand tu entends dire : C’est la vérité. Ne cherche pas à savoir ce que c’est que la vérité ; car aussitôt les ombres des images corporelles et les nuages des vains fantômes s’élèveront et. troubleront la lueur sereine qui t’a d’abord frappée, quand j’ai prononcé ce mot : vérité. Reste donc, si tu le peux, sous l’impression de ce rapide éclair qui luit à tes yeux, quand on dit : vérité. Mais tu ne le peux pas ; tu retombes dans les pensées terrestres qui te sont habituelles. Et quel est, je te le demande, le poids qui t’entraîne, sinon celui des souillures contractées par l’attrait de la cupidité et les égarements du pèlerinage ?


CHAPITRE III.

DIEU EST LE SOUVERAIN BIEN. L’ÂME NE DEVIENT BONNE QU’EN SE TOURNANT VERS DIEU.

4. Encore une fois, vois, situ peux. Certainement tu n’aimes que ce qui est bon : car