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grande qu’elle soit, est moindre que le tout. En effet, le ciel et la terre sont des parties de l’univers ; la terre en particulier, le ciel en particulier sont composés de parties innombrables, et moindres dans le tiers que dans le reste, dans la moitié que dans le tout ; et l’univers entier, vulgairement désigné par ces deux parties, le ciel et la terre, est évidemment plus grand que le ciel seul ou que la terre seule. Et dans chaque corps, autre chose est la grandeur, autre chose la couleur ou la figure. En effet, la même couleur et la même figure peuvent subsister, quand la grandeur diminue ; la couleur peut changer, bien que la figure et la grandeur restent les mêmes, et la figure peut aussi varier sans que la grandeur et la couleur subissent des changements. Ainsi toutes les propriétés qui s’affirment simultanément d’un corps, peuvent changer soit ensemble, soit les unes sans les autres. Preuve évidente que la nature du corps est multiple et jamais simple. La créature spirituelle, l’âme par exemple, est sans doute plus simple comparativement au corps ; mais prise en elle-même et sans comparaison avec le corps, elle est multiple aussi, et nullement simple. En effet, elle est plus simple que le corps, parce qu’elle n’occupe pas de place dans l’étendue locale, mais qu’elle est dans chaque corps, tout entière dans le tout et aussi dans chaque partie ; en sorte que quand une partie du corps, même la plus exiguë, éprouve une sensation, l’âme tout entière en est affectée, et rien ne lui en échappe, bien que cette sensation ne s’étende pas au corps entier. Cependant, comme dans la nature de l’âme, autre chose est l’activité, autre chose la paresse, ou la finesse, ou la mémoire, ou le désir, ou la crainte, ou la joie, ou la tristesse ; ou d’autres affections sans nombre, et que ces affections peuvent subsister les unes sans les autres et sont susceptibles de plus ou de moins : il est de toute évidence que cette nature n’est pas simple, mais multiple. Car rien de simple n’est sujet à changement ; or toute créature est changeante. On se sert d’expressions multiples pour dire que Dieu est grand, bon, sage, heureux, vrai, pour désigner tous les attributs qui sont dignes de lui ; mais sa grandeur est la même chose que sa sagesse ; car ce n’est pas par l’étendue matérielle, mais par sa vertu qu’il est grand. Sa bonté est également la même chose que sa sagesse et sa grandeur, et sa vérité est la même chose que tout cela : car en lui, être heureux n’est pas autre chose qu’être grand, être sage, ou vrai, ou bon, être enfin ce qu’il est.


CHAPITRE VII.

DIEU EST TRINITÉ, MAIS N’EST POINT TRIPLE.

9. Et parce qu’il est trinité, il ne faut pas s’imaginer qu’il soit triple : autrement le Père seul, ou le Fils seul, seraient moindres que le Père et le Fils réunis. Du reste on ne voit pas comment on pourrait dire le Père seul, ou le Fils seul, puisque le Père est toujours et inséparablement avec le Fils et le Fils avec le Père, non pour être tous les deux Père ou tous les deux Fils, mais parce qu’ils sont toujours ensemble et jamais séparés. Néanmoins comme nous disons Dieu seul, en parlant de la Trinité, bien que Dieu soit toujours avec les esprits et les âmes des saints, et que nous l’appelons seul, parce que ces esprits ne sont point Dieu avec lui ; ainsi nous disons le Père seul, non parce qu’il est séparé de son Fils, mais parce qu’ils ne sont pas Père tous les deux.


CHAPITRE VIII.

RIEN NE S’AJOUTE A LA NATURE DIVINE,

Ainsi donc le Père seul, ou-le Fils seul, ou le Saint-Esprit seul étant aussi grand que le Père, le Fils et le Saint-Esprit réunis, on ne peut en aucune façon dire que Dieu est triple. En effet les corps augmentent par adjonction. Quoique celui qui s’unit à sa femme ne soit qu’un seul corps ; ce corps avec elle, est néanmoins plus grand que celui de l’homme seul ou de la femme seule. Mais, dans les choses spirituelles, quand le moindre s’unit au plus grand, comme la créature au Créateur, c’est celle-là qui s’agrandit, et non celui-ci. En effet, dans tout ce qui n’est pas matériel, c’est s’agrandir que de devenir meilleur. Or, l’esprit d’une créature devient meilleur en s’unissant au Créateur qu’en ne s’y unissant pas, et, en devenant meilleur, il devient plus grand. Donc « celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui (I Cor., VI, 17 ) » ; et cependant le Seigneur ne devient pas plus grand, parce que celui qui s’unit à lui le devient davantage. Par conséquent, dans Dieu lui-même, le Fils égal