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un autre, le don de prophétie ; un autre, le don de parler diverses langues. Or, c’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, selon qu’il lui plaît », c’est-à-dire, agissant en Dieu, car qui pourrait produire ces merveilles, s’il n’était Dieu ? Aussi l’Apôtre affirme-t-il que « c’est un seul et même Dieu qui opère toutes ces choses en tous (I Cor., XII, 6, 11 ) »


CHAPITRE XIV.

LE PÈRE ET LE FILS SONT LE PRINCIPE DE L’ESPRIT-SAINT.

15. Dans la Trinité la personne qui engendre est dite principe par rapport à la personne qui est engendrée. C’est ainsi que le Père est principe du Fils, parce qu’il l’engendre. Mais soudain se présente une grave et difficile question, à savoir si le Père « de qui procède l’Esprit-Saint », est le principe de cet Esprit. Si je réponds affirmativement, il s’ensuit qu’on doit nommer principe, non-seulement celui qui produit et enfante quelque œuvre, mais encore celui qui fait un don quelconque. Mais ici rappelons tout. d’abord, et comme pouvant nous donner quelque lumière, que le Fils n’est point le Saint-Esprit, quoique cet Esprit soit sorti du Père, ainsi qu’il est dit dans l’Evangile (Jean, XV, 26 ). Je sais bien que cette assertion préoccupe plusieurs esprits ; et néanmoins il est vrai de dire que l’Esprit-Saint diffère du Fils parce qu’il est sorti dit Père, non comme Fils, mais comme don. Nous ne saurions donc le nommer Fils, puisqu’il n’est point né comme Fils unique du Père, qu’en outre, il n’est point, comme l’homme, venu au monde pour recevoir la grâce de l’adoption divine. Quand nous disons que le Fils est né du Père, nous n’avons égard qu’à sa génération éternelle, et nullement à sa génération temporelle. Aussi n’est-il point Fils du Père dans le même sens qu’il est fils de l’homme. S’agit-il au contraire de l’Esprit qui est donné, nous le rapportons également et à celui qui le donne, et à ceux auxquels il est donné. Ainsi l’Esprit-Saint n’est pas seulement l’Esprit du Père et du Fils qui nous l’ont donné, mais il est encore l’Esprit de nous tous qui le recevons. Et de même nous disons que Dieu est notre salut (Ps. III, 9 ), parce qu’il en est l’auteur et le principe, et que nous le recevons de sa bonté. Cependant l’Esprit-Saint n’est point en nous l’esprit, ou le souffle de la vie, et il n’est dans l’homme que d’une manière toute spirituelle. Aussi ne l’appelons-nous nôtre que dans le même sens que nous disons à Dieu : « Donnez-nous notre pain (Matt., VI, 11 ) ». Nous reconnaissons toutefois que nous ne nous sommes point donné l’esprit ou le souffle de la vie, puisque l’Apôtre nous dit : « Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu (I Cor., IV, 7 ) ? » Mais autre est l’esprit que nous avons reçu pour vivre, et autre l’Esprit que nous recevons pour devenir des saints. C’est pourquoi, lorsque l’évangéliste saint Luc dit de Jean-Baptiste qu’il devait venir en l’Esprit et la vertu d’Elie, nous devons entendre ces mots de l’Esprit-Saint qu’Elie avait reçu (Luc, I, 17). Tel est également le sens de cette parole du Seigneur à Moïse : « Je prendrai de Votre « Esprit, et je le leur donnerai », c’est-à-dire que je leur ferai part de l’Esprit-Saint que je vous ai donné (Nomb., XI, 17 ). Si donc l’Esprit-Saint qui est donné, a pour principe celui qui le donne, parce qu’il ne procède que de lui, il faut avouer qu’à l’égard de ce divin Esprit le Père et le Fils sont un seul et unique principe, et non deux principes. Et en effet, comme le Père et le Fils ne sont qu’un seul et même Dieu, ils ne sont également, par rapport aux créatures, qu’un seul et même Seigneur, un seul et même Créateur. Et de même à l’égard de l’Esprit-Saint, ils ne sont qu’un seul et unique principe. S’agit-il au contraire d’exprimer les rapports de la Trinité avec la création ? le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont un seul principe, un seul Créateur et un seul Seigneur.


CHAPITRE XV.

L’ESPRIT-SAINT ÉTAIT-IL UN DON AVANT MÊME QU’IL FÛT DONNÉ ?

16. Si nous voulons approfondir ce sujet, nous rencontrons la question suivante. De même que le Fils est essentiellement Fils, et en dehors de sa naissance temporelle, l’Esprit-Saint est-il par lui-même le don de Dieu, et abstraction faite de toute effusion sur l’homme ? En d’autres termes : l’Esprit-Saint existait avant qu’il fût donné, mais il n’était pas encore le don de Dieu ; ou bien, parce que Dieu devait un jour le donner, il était déjà le don de Dieu quoiqu’il n’eût pas encore été donné. Voici ma réponse : Si l’Esprit-Saint ne procède du Père