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Pareillement le Père est bon, le Fils est bon et l’Esprit-Saint est bon. Toutefois ce ne sont point trois Dieux bons, mais le Dieu unique dont Jésus-Christ n dit : « Nul n’est bon que Dieu seul ». Observez en effet que si cette expression : « Bon Maître » ne s’adressait, dans l’intention du jeune homme dont parle saint Luc, qu’à Jésus-Christ comme homme, celui-ci voulut par sa réponse élever ses pensées jusqu’à sa divinité. C’est pourquoi il ne lui dit pas : Nul n’est bon que le Père, mais, « Nuln’est bon que Dieu seul (Luc, XVIII, 18, 19 ) ». S’il eût dit le Père, il n’eût en réalité nommé que le Père, mais en disant Dieu seul, il nommait le Père, le Fils et le Saint-Esprit, parce que ces trois personnes ne sont qu’un seul et même Dieu. S’agit-il au contraire de termes qui expriment la position et le vêtement du corps, le temps et le lieu ? ils ne doivent s’entendre de Dieu que par métaphore et non dans le sens propre et direct. C’est ainsi que par rapport à la position et au vêtement, le psalmiste nous dit que « Dieu est assis sur les chérubins, et quel abîme l’enveloppe comme un vêtement (Ps., LXXIX, 2 ; CIII, 6 ). » Il dit également par rapport au temps et au lieu : « Seigneur, vos années ne finiront jamais » ; et, « si je m’élève vers le ciel, vous y êtes ( Ps., CI, 28 ; CXXXVIII, 8 ) ». Mais tout ce qui se rapporte à la puissance d’action se dit vraisemblablement de Dieu seul. Car Dieu seul agit ou n’agit pas, et en tant qu’il est Dieu, il est indépendant de toute passivité. C’est pourquoi le Père est tout-puissant, le Fils est tout-puissant et le Saint-Esprit est tout-puissant. Toutefois. ce ne sont pas trois Dieux également tout-puissants, mais un seul Dieu tout-puissant, et « tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui (Rom., XI, 36 ) ». Ainsi tout ce qui atteint directement la nature de l’Etre divin se dit au nombre singulier de chacune des trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; et c’est encore en ce même nombre singulier, et non au pluriel, que nous appliquons les mêmes expressions à la Trinité entière. Et, en effet, être et être grand ne sont pas en Dieu deux choses, mais une seule et même chose. Aussi, par la même raison que nous ne reconnaissons pas en lui trois essences, nous ne lui attribuons pas trois grandeurs.


CHAPITRE IX.

DES PERSONNES DIVINES.

10. J’emploie ici le mot essence, qui est un terme de la langue grecque, et qui répond dans la nôtre à celui de substance. Les Grecs disent également l’hypostase ; mais quelle différence mettent-ils entre l’essence et l’hypostase ? Ceux qui ont écrit en grec sur la Trinité disent communément une seule essence et trois hypostases, expressions qui signifient en latin une essence et trois substances. Quoi qu’il en soit, l’usage a prévalu parmi nous d’attacher au mot essence le sens du mot substance ; aussi n’oserai-je point dire une seule essence et trois substances, mais une seule essence ou substance et trois personnes. Ce langage est celui qu’ont adopté plusieurs auteurs latins bien recommandables ; et ils l’ont employé, n’en trouvant pas de meilleur pour exprimer par la parole ce qu’ils comprenaient sans le secours de la parole. Et, en effet, puisque le Père n’est pas le Fils, que le Fils n’est pas le Père, et que le Saint-Esprit qui est aussi appelé le don de Dieu, n’est ni lePère, ni le Fils, il faut nécessairement reconnaître trois personnes en un seul Dieu. C’est pourquoi Jésus-Christ a dit au pluriel : « Le Père et moi nous sommes un (Jean, X, 30 ) ». Les Sabelliens traduisent au singulier : Le Père et moi est un ; tandis que le Sauveur a dit : « Nous sommes un ». Il y a donc trois personnes en Dieu. Mais s’agit-il de définir ce qu’est une personne divine, soudain toute parole humaine devient impuissante. Aussi disons-nous trois personnes, moins pour dire quelque chose que pour ne pas garder un silence absolu.


CHAPITRE X.

TOUT CE QUI SE RAPPORTE A LA NATURE DIVINE, SE DIT AU SINGULIER DES TROIS PERSONNES.

11. De même donc que nous ne disons point qu’il y a en Dieu trois essences, nous ne reconnaissons pas en lui trois grandeurs, ni trois êtres souverainement grands. Car dans les choses qui ne sont grandes que relativement, il faut distinguer la grandeur, de la chose elle-même. C’est ainsi que nous disons une grande maison, une grande montagne et un grand esprit. Mais dans ces trois exemples la