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l’inspiration du Saint-Esprit, que Marie glorifia le Dieu qu’elle portait en son sein, et que le vieillard Siméon et Amine la prophétesse reconnurent le divin Enfant et en publièrent les grandeurs (Luc, I, 15-38., II, 25, 41-79 ). Comment donc l’évangéliste a-t-il pu dire que « l’Esprit-Saint n’était pas encore donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié », si ce n’est dans le sens qu’il devait, au jour de la Pentecôte, se répandre et se donner avec une effusion et une solennité inconnues jusqu’alors ? Et en effet, l’Ecriture ne dit nulle part qu’avant ce jour, l’Esprit-Saint ait communiqué le don des langues. Mais il le fit à l’égard des apôtres, afin de leur donner un signe sensible de sa venue ; il voulut aussi montrer par là que tous les peuples, quoique divisés de langage et de nationalité, devaient tous croire en Jésus-Christ par la grâce de l’Esprit-Saint. Au reste, c’est cette unité en la foi qu’avait annoncée le psalmiste, quand il s’écriait : « Il n’est point de langues ni d’idiomes dans lesquels on n’entende la voix du Seigneur. Son éclat s’est répandu dans tout l’univers, et elle a retenti jusqu’aux extrémités de la terre ( Ps., XVIII, 4, 5 ) ».

CHAPITRE XXI. REVÉLATIONS SENSIBLES DU SAINT-ESPRIT. — RÉSUMÉ.

30. Il y a donc eu dans le Verbe comme mélange et fusion de la nature divine et de la nature humaine pour former une seule personne : et ce mystère s’est accompli lorsque dans la plénitude des temps le Fils de Dieu fut envoyé, afin que naissant de la femme, il devînt pour le salut des hommes fils de l’homme. Sans doute l’ange a bien pu avant l’incarnation annoncer et représenter ce divin Sauveur, mais il ne lui a jamais été permis de se substituer à sa personne. Et maintenant que dire de la colombe et des langues de feu qui signalèrent la présence de l’Esprit-Saint ? Ce n’étaient que des symboles puisqu’il existe entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint une entière égalité de nature, et une même éternité. La créature se montra alors docile et obéissante pour représenter par ses mouvements et ses formes cet Esprit divin et immuable, mais elle ne lui fut point unie, comme dans l’incarnation la nature humaine l’a été au Verbe fait chair. Je n’ose donc affirmer qu’avant le baptême de Jésus-Christ et le jour de la Pentecôte de semblables apparitions n’aient pu avoir lieu. Mais e dis en toute assurance que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint n’ont qu’une seule et même nature, qu’il n’y a qu’un seul Dieu créateur, et que les œuvres de la toute-puissance divine appartiennent inséparablement aux trois personnes de la Sainte Trinité. Toutefois ce mystère ne saurait être invinciblement démontré par aucun des signes ou figures que nous empruntons aux créatures sensibles et matérielles, tant celles-ci s’éloignent de Dieu et lui sont inférieures. Cette même impuissance se fait encore remarquer dans notre langage. Car la parole, qui fait entendre un son matériel ne peut nommer que séparément le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; et elle est ainsi forcée de mettre comme quelque inégalité entre les trois personnes divines, puisqu’elle n’en prononce le nom que successivement, et à des intervalles plus ou moins rapprochés. Cependant, parce que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint n’ont qu’une seule et même nature, ils ne sont qu’un seul Dieu, et ne peuvent avoir avec les créatures aucun rapport de mobilité, ni d’espace ni de durée. Les trois personnes divines existent de toute éternité, et elles existeront éternellement, car en Dieu l’éternité ne saurait se concevoir sans la vérité et sans l’amour. Lorsqu’au contraire je nomme le Père, le Fils et le Saint-Esprit, je les nomme séparément, et quand j’écris ces trois noms, je suis contraint de les écrire séparément. Au reste la même difficulté se présente au sujet des facultés de notre âme. Et en effet, si je nomme la mémoire, l’intelligence et la volonté, je rapporte chacun de ces noms à une faculté spéciale de mon âme, quoiqu’en réalité cette âme soit une et indivisible. Sans doute dans le langage, on distingue la mémoire, l’intelligence et la volonté ; mais dans l’opération, ou action extérieure, on reconnaît que tout est commun à ces trois facultés. Ainsi en est-il de la sainte Trinité. Elle a parlé tout entière par le Père, s’est incarnée par le Fils, et s’est montrée dans le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe. Toutefois nous ne laissons pas que de rapporter individuellement à chaque personne ces différentes actions. Cette explication : peut en quelque sorte nous faire comprendre comment les trois personnes de la sainte Trinité, quoique réellement inséparables, peuvent