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mort pour nous prouver combien, en la subissant, il était exempt de péché. Il est donc mort parce qu’il l’a voulu, quand il l’a voulu, et de la manière dont il l’a voulu. Et en effet, c’est en tant qu’uni au Verbe de Dieu qu’il a dit comme homme : « J’ai le pouvoir de donner ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre. Nul ne me l’ôte, mais je la donne moi-même, et je la reprends de nouveau (Jean, X, 18 ) ». Aussi voyons-nous par le récit des évangélistes, que tous ceux qui furent présents à la mort de Jésus-Christ, s’étonnèrent de l’entendre pousser ce grand cri qui annonçait que notre péché était effacé, et qui précéda immédiatement son dernier soupir. Car d’ordinaire le supplice de la croix amenait une longue agonie, comme le prouvent les deux voleurs auxquels il fallut rompre les bras et les jambes afin de hâter leur mort, et pour que les corps ne restassent pas exposés le jour du sabbat. La mort de Jésus fut donc une sorte de miracle, et Pilate en jugea ainsi, quand on vint lui demander la permission de rendre au corps du Sauveur les honneurs de la sépulture (Marc, XV, 37 ; Jean, XIX, 30 ) ». 17. Mais cet esprit de mensonge qui a été pour l’homme un médiateur de mort, voudrait en vain nous fermer les sources de la vie par ses prétendues expiations, et ces cérémonies impies et sacriléges, avec lesquelles il se joue de notre orgueil. Exempt de la mort du corps, mais condamné aussi à ne jamais recouvrer la vie de l’âme, il n’a été que trop heureux d’avoir pu, n’étant lui-même blessé à mort que dans l’âme, nous frapper de mort dans l’âme et dans le corps. Quant au miracle de la résurrection, il passe évidemment son pouvoir, puisqu’il est tout ensemble le sacrement de notre régénération, et le modèle de la résurrection qui doit s’accomplir au dernier jour. Au contraire, le vrai médiateur de la vie qui est toujours vivant en son âme, est ressuscité en cette même chair qui avait subi la mort, et il combat pour nous contre le démon. De son côté, cet esprit rebelle, mort lui-même à la grâce, et auteur de la double mort qui frappe l’homme, s’efforce d’affermir son règne dans le cœur de tous ceux qui croient en lui. Mais le Sauveur Jésus le chasse de ce royaume intérieur, et ne lui permet que d’exercer au dehors sa rage et ses efforts impuissants. Il voulut même souffrir que cet esprit mauvais le tentât, afin de nous venir en aide pour surmonter la tentation, par sa grâce et par son exemple. C’était vainement que d’abord il avait cherché à le vaincre par des tentations intérieures, quand Jésus-Christ après son baptême se fut retiré dans le désert, et que le démon lui tendit les plus captieuses embûches. Sans doute cet esprit mort à la grâce n’eut aucune prise sur celui qui était vivant de la vie de l’Esprit-Saint ; mais acharné à frapper l’homme de la mort du péché, il essaya contre le Christ toute sa malice, et l’attaqua, autant qu’il lui fut permis, dans cette chair par laquelle le médiateur vivant et immortel était devenu comme nous faible et mortel. Toutefois il ne réussit alors en aucune de ses diverses suggestions ; et lorsque, usant du pouvoir qu’il avait reçu du dehors, il eut fait attacher le Sauveur à la croix, il perdit tous ses droits à la domination intérieure qui lui assujettissait nos âmes. Et, en effet, la mort de Jésus-Christ, qui n’avait été en lui précédée d’aucun péché, brisa soudain les chaînes multipliées des nombreux péchés de l’homme. Ainsi le Sauveur, en souffrant pour nous la mort qui ne lui était point due, a fait que celle que nous subissons justement, ne puisse nous nuire. Au reste, personne n’avait le pouvoir de lui ôter la vie, et lui-même il s’en est dépouillé volontairement. Car, puisqu’il pouvait ne point mourir, s’il l’eût voulu, il est certain que la mort a été en lui un acte libre et spontané. Aussi l’Apôtre nous dit-il que Jésus-Christ « a exposé en spectacle avec une pleine autorité les principautés et les puissances, après avoir triomphé d’elles en lui-même (Coloss., II, 15 ) ». Sa mort a été, en effet, un vrai sacrifice, dont les mérites nous sont appliqués, et qui a racheté, expié et effacé entièrement nos péchés, en sorte que les principautés et les puissances de l’enfer ne peuvent plus réclamer notre condamnation. Et de plus, sa résurrection est pour nous le modèle de cette vie nouvelle à laquelle « il a appelé ceux qu’il a prédestinés ; or, ceux qu’il a appelés, il les a justifiés, et ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés(Rom., VIII, 30 ) ». L’homme, en consentant librement aux séductions du démon, était en toute justice devenu son esclave ; et cet esprit mauvais, affranchi lui-même de la corruption de la chair et du sang, s’enorgueillissait de la victoire que lui avait