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converger toutes ensemble vers la possession du même bonheur, parce qu’un seul et même Esprit embrase tous les cœurs des feux du même amour. Ainsi se réalise cette parole du Sauveur : « Père, qu’ils soient un, comme vous et moi sommes un ». Et en effet, de même que le Père et le Fils sont un par égalité de nature et conformité de volonté, les Chrétiens qui reconnaissent pour leur médiateur auprès de Dieu le Père, Jésus-Christ, Fils de Dieu doivent être unis entre eux bien moins par les liens de la chair et du sang que par les rapports de la charité. Au reste le Sauveur nous indique lui-même cet heureux effet de sa médiation divine et de notre réconciliation avec le Seigneur, quand il dit : « Je suis en eux, et vous en moi, afin qu’ils soient consommés dans l’unité (Jean, XVII, 23 ) ».


CHAPITRE X. LA VIE ET LA MORT.

13. Notre véritable paix, et notre alliance forte et assurée avec le Seigneur, reposent donc sur l’acte d’expiation et de réconciliation que Jésus, médiateur de vie et de grâce, a daigné accomplir. Et de même un médiateur de péché et de mort nous avait ravi l’innocence, et nous tenait éloignés de Dieu. Car le démon superbe et orgueilleux n’avait rempli le premier homme d’orgueil et de présomption que pour le conduire à la mort, tandis que Jésus-Christ, humble et humilié, l’a ramené à la vie par l’humilité et l’obéissance. Le démon vain et téméraire est tombé lui-même, et a entraîné l’homme qui consentit librement à ses suggestions. Mais Jésus-Christ en s’humiliant a mérité d’être exalté, et il a relevé avec lui le fidèle qui croît en lui. Sans doute Satan n’avait point été assujetti à la mort du corps, puisqu’il n’a point de corps, et que son péché n’était qu’un péché de pensée ; mais il n’en paraît pas moins à l’homme le prince de ces légions infernales qu’il emploie pour régner sur le monde par le mensonge et l’erreur. C’est par leur concours que tantôt il enorgueillit au moyen d’une fausse philosophie l’homme qui n’est déjà de lui-même que trop superbe, et qui ambitionne le pouvoir, bien plus qu’il n’aime la justice. Tantôt aussi il flatte sa curiosité non moins que son orgueil par l’appareil d’un culte sacrilège et de pratiques magiques, en sorte que tout ensemble il trompe les esprits, les précipite dans l’illusion et les tient captifs et assujettis. Quelquefois aussi, se transformant en ange de lumière, il promet à l’homme le pardon de ses fautes au moyen de certaines expiations, et fait briller à ses yeux le faux éclat de prestiges mensongers.

CHAPITRE XI. QUE PENSER DES PRODIGES OPÉRÉS PAR LE DÉMON ?

14. Il est certainement facile aux esprits mauvais de produire à l’aide des corps aériens bien des effets qui étonnent même les meilleurs esprits, parce qu’ils sont unis à une chair qui les affaiblit. C’est ainsi que sur nos théâtres l’art et l’habileté des jongleurs exécutent avec des corps terrestres et matériels des choses si surprenantes, qu’il faut les avoir vues pour y croire. Est-il donc étonnant que Satan et ses anges opèrent, au moyen des éléments qu’ils mettent en jeu par leurs corps aériens, des prestiges capables de tromper les hommes ? Bien plus, ils nous présentent mille fantômes et mille imaginations qui font illusion à nos sens, et qui, soit pendant notre sommeil, ou dans l’état de veille, nous fascinent et nous rendent furieux. Mais de même qu’un homme juste et honnête se permet de regarder de vils histrions qui dansent sur la corde, ou qui exécutent des tours incroyables de prestidigitation, sans qu’il ait en lui-même le moindre désir de les imiter, ni qu’il les croie meilleurs que lui ; ainsi le chrétien pieux et fidèle qui est témoin des prestiges que produisent les démons, et qui nième par suite de la faiblesse humaine, les admire, ne leur envie point un tel pouvoir, et ne se juge point inférieurs à eux. Eh ! comment pourrait-il le faire, puisqu’il appartient à cette société de saints qui comprend les hommes justes et les bons anges, et puisque ceux-ci, par la puissance souveraine du Seigneur, à qui toutes choses sont soumises, opèrent de véritables miracles, et des prodiges bien plus surprenants ?

CHAPITRE XII. PRINCIPE DE VIE ET PRINCIPE DE MORT.

15. Il est donc impossible qu’aucune cérémonie sacrilège, non plus que nulle initiation impie, ou expiation magique puisse purifier l’âme et la réconcilier avec Dieu. Et en