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l’inspiration de la grâce qu’il a épanchée dans mon âme, j’ose affirmer en toute assurance que ni Dieu le Père, si son Verbe, ni l’Esprit-Saint, qui sont un seul et même Dieu, ne sont en eux-mêmes, et en leur substance sujets à un changement quelconque, et surtout qu’ils ne peuvent être vus par l’homme en leur essence divine. Et en effet, tout ce qui est muable et changeant n’est pas nécessairement visible, comme dans l’homme la pensée, le souvenir et la volonté, et comme en dehors de cet univers toute créature incorporelle. Mais tout ce qui est visible, est nécessairement soumis aux lois du mouvement et du changement.


CHAPITRE XI.

APPARITIONS DIVINES PRODUITES PAR LE MINISTÈRE DES ANGES. CONCLUSION DE CE LIVRE.

22. Ainsi, parce que la substance de Dieu, ou, si vous aimez mieux, l’essence divine, c’est-à-dire, selon notre faible manière de comprendre les choses, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est absolument immuable de sa nature, elle ne peut être visible par elle-même. C’est pourquoi toutes les apparitions dont le Seigneur daigna, selon les temps et les circonstances, favoriser les patriarches et les prophètes, eurent lieu par l’intermédiaire des créatures. Sans doute je ne saurais expliquer comment Dieu y employa ses anges, mais je n’hésite pas à dire qu’ils opérèrent ces diverses apparitions. Et en parlant ainsi, je ne le fais pas de moi-même, car je pourrais vous paraître peu sensé, tandis que je m’efforce d’être « sage avec sobriété, et selon la mesure » de la foi « que Dieu m’a départie ( Rom., XII, 3 ) ». Oui, comme dit encore le même apôtre, « j’ai cru, et c’est pourquoi j’ai parlé ( II Cor., IV, 13 ) ». Ici en effet je m’appuie sur l’autorité des saintes Ecritures ; et ’il n’es point permis de rejeter ce fondement de la révélation divine pour s’égarer dans de vaines aberrations d’esprit, où nos sens ne peuvent nous guider, et où la raison ne saurait saisir les traits, ni le rayonnement de la vérité. Or dans l’épître aux Hébreux, l’Apôtre distingue la promulgation de la loi nouvelle de la promulgation de la loi ancienne ; il marque les convenances du temps et des siècles qui les séparent, et il dit expressément que les prodiges et les voix du Sinaï furent l’œuvre des anges. Au reste, voici comment il s’exprime : « Quel est l’ange à qui le Seigneur ait jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis vos ennemis sous vos pieds ? Tous les anges ne sont-ils pas des esprits qui servent le Seigneur, envoyés pour leur ministère en faveur de ceux qui hériteront du salut (Hébr., I, 13, 14 ) ? » Peut-on désirer un témoignage plus formel que tout se fît alors par le ministère des anges, et pour nous, c’est-à-dire pour le peuple de Dieu auquel est promis l’héritage de la vie éternelle ? Aussi le même apôtre écrit-il aux Corinthiens : « Toutes les choses qui arrivaient aux Juifs étaient des figures ; et elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps ( I Cor., X, 11 ). » Mais faut-il prouver que Dieu nous a parlé par son Fils, tandis que sur le Sinaï, il parla par ses anges ? Saint Paul le tait dans le passage suivant avec la dernière évidence. « C’est pourquoi, dit-il, il faut garder plus fidèlement ce que nous avons entendu, de peur que nous ne soyons comme l’eau qui s’écoule. Car si la loi publiée par les anges est demeurée ferme, et si tonte transgression et toute désobéissance a reçu le juste châtiment qu’elle méritait ; comment l’éviterons-nous, si nous négligeons une doctrine si salutaire ? » Mais parce qu’ici vous pourriez demander quelle est cette doctrine, l’Apôtre prévient votre objection, et vous répond qu’elle est le Nouveau Testament, c’est-à-dire l’Evangile révélé aux hommes par Dieu lui-même, et non par le ministère des anges. « Cette doctrine, continue-t-il, annoncée d’abord par le Seigneur même, nous a été confirmée par ceux qui l’avaient apprise de lui ; Dieu même appuyant leur témoignage par les miracles, par les prodiges, par les différents effets de sa puissance, et par les dons du Saint-Esprit distribués selon sa volonté (Hebr., II, 1-4 ) ». 23. Mais pourquoi, direz-vous, lisons-nous dans l’Exode, cette parole : « Dieu dit à Moïse » ; et non point : l’ange dit à Moïse ? C’est que dans l’arrêt judiciaire que récite l’huissier, il n’est point écrit : l’huissier a dit ; mais bien le juge a prononcé. Ainsi encore, quand un prophète parle au nom du Seigneur, quoique nous disions : Le prophète a dit, nous comprenons bien que c’est Dieu qui a parlé par sa bouche. Et de même quand nous disons : Le Seigneur a dit, nous n’excluons point la