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prodiges de ce genre. J’observe néanmoins que la cause première et souveraine de to us ces phénomènes est la volonté de Dieu. Aussi le psalmiste, après en avoir énuméré plusieurs, « le feu, la grêle, la neige, la gelée et le souffle des tempêtes » a-t-il soin d’ajouter « qu’ils obéissent à la parole du Seigneur ( Ps., CXLVIII, 8 ) ». Il prévient ainsi l’erreur de ceux qui, en dehors de la volonté divine, les attribueraient soit au hasard, soit à des causes purement physiques, ou même à l’action unique des anges.


CHAPITRE X.

SIGNES SACRÉS. EUCHARISTIE.

Mais il est encore d’autres phénomènes qui, sans cesser de se produire par l’intermédiaire des créatures sensibles et matérielles, deviennent à notre égard une manifestation plus spéciale de la puissance divine. Ce sont alors de vrais miracles et de véritables prodiges : et néanmoins la personne même de Dieu ne s’y montre pas toujours. Mais lorsqu’elle nous y apparaît, tantôt c’est par le ministère d’ un ange, et tantôt en la forme d’un être qui n’est point un ange, quoiqu’il soit mu et dirigé par un ange. Dans le second cas, cet être peut déjà exister, et il suffit d’en altérer légèrement la forme pour qu’il nous soit un signe de la volonté du Seigneur. D’autres fois cet être est créé tout exprès ; et dès que sa mission est remplie, il rentre dans le néant. C’est ainsi que les prophètes parlant au nom du Seigneur, emploient cette formule : « Le Seigneur a dit », ou bien : « Le Seigneur a dit ces choses ( Jerem., XXI, 1,2. ) ». Mais il leur arrive aussi d’omettre cette précaution oratoire, et de parler, comme s’ils étaient la personne même du Seigneur. « Je te donnerai l’intelligence, dit le psalmiste, et je t’enseignerai la voie où tu dois marcher (Ps., XXXI, 8 ) ». Quelquefois même, ce n’est plus en paroles, mais par des actes positifs que les prophètes s’identifient avec Dieu, et qu’ils agissent en son nom. Nous le voyons dans le prophète Ahias. Il déchira son manteau en douze parts, et en donna dix à Jéroboam, officier du roi Salomon, qui devait fonder le royaume d’Israël ( III Rois, XI, 30, 31 ). Tantôt encore un être brut et insensible est choisi du milieu des corps terrestres pour symboliser la même signification. Ainsi Jacob, après un songe mystérieux, consacre la pierre qu’il avait mise sous sa tête ( Gen., XXVIII, 18 ). Tantôt aussi la main de l’homme façonne à ce dessein un objet qui peut subsister quelque temps, comme le serpent d’airain, des caractères alphabétiques, ou qui se détruit par l’usage, comme le pain eucharistique par la communion. 20. Cependant parce que ces différents signes, ou symboles, sont l’œuvre de l’homme, et que nous les comprenons facilement, nous pouvons bien les honorer religieusement, mais nous ne saurions les admirer comme étant miraculeux. Plus au contraire l’action des anges nous paraît difficile et cachée, et plus nous la trouvons surnaturelle ; quoiqu’elle ne soit réellement pour eux que bien facile et bien connue. Or, c’était un ange qui parlait au nom et en la personne du Seigneur, quand il disait à Moïse : « Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » ; car l’Ecriture avait dit précédemment : « L’ange du Seigneur lui apparut (Exod., III, 6, 2 ) ». Mais c’était un homme qui parlait au nom et en la personne du Seigneur, lorsque le psalmiste disait : « Ecoute, mon peuple, et je vais te convaincre ; écoute, Israël, et je te rendrai témoignage : je suis le Seigneur ton Dieu ( Ps., LXXX, 9, 11 ) ». La verge de Moïse était un signe de la puissance divine, et elle fut changée en serpent par le pouvoir d’un ange ; mais Jacob, qui ne pouvait opérer un semblable prodige, ne laissa pas de choisir une pierre pour l’ériger comme un monument de la protection du Seigneur. Au reste, il y a une grande différence entre l’action d’un ange et celle d’un homme : la première exerce notre esprit et excite notre étonnement, la seconde au contraire n’exige que notre attention. L’objet auquel se rapportent ces deux actions peut être le même, mais la manière de le signifier ou représenter, est bien différente. C’est comme si l’on écrivait le nom de Dieu en lettres d’or, ou avec de l’encre. L’un serait précieux, et l’autre vil et commun, et toutefois ce serait toujours le même nom. La verge de Moïse et la pierre de Jacob signifiaient donc également Jésus – Christ ; et même cette pierre le représentait bien mieux que les serpents que produisirent les magiciens de Pharaon. L’huile que Jacob répandit sur la pierre, symbolisait l’humanité du Christ. Car c’est en cette humanité sainte qu’il « a été sacré d’une onction de joie qui