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forces vitales que leur a secrètement distribuée avec poids, nombre et mesure, Celui qui dis pose de toutes choses avec sagesse, justice et équité. Au reste, un tel emploi des cause ; secondes peut appartenir aux mauvais ange ; et aux pécheurs, ainsi que je l’ai prouvé par l’exemple de l’agriculture. 17. Quant aux animaux, il nous semblerait tout d’abord assez difficile d’expliquer comment ils recherchent instinctivement ce qui peut leur plaire, et évitent ce qui peut leur déplaire. Mais combien de savants ont étudié cette question, et peuvent nous dire quelles plantes, quelles viandes, quelles combinaisons, et quelles affinités ou répulsions des fluides et des éléments donnent naissance aux animaux ? Et néanmoins, qui a jamais considéré ces savants comme les créateurs du règne animal ? Au reste, si l’homme, même le plus impie, peut expliquer la formation des vers et des mouches, est-il étonnant que les mauvais anges aient connu, en raison de la subtilité de leur esprit, en quels lieux et en quels éléments reposaient les embryons des grenouilles et des serpents. Ce sont ces embryons qu’ils placèrent, il est vrai, dans des conditions si favorables qu’ils en accélérèrent le développement ; mais en réalité, ils ne les créèrent pas. Toutefois, cette œuvre parut un véritable prodige, parce qu’elle était extraordinaire, car nous n’admirons point ce que nous faisons habituellement. Peut-être aussi vous étonnerez-vous d’un développement si prompt, et de ces éclosions spontanées ; mais observez que même avec des moyens purement humains, nous obtenons de semblables résultats. D’où vient, en effet, que les vers s’engendrent plus facilement dans les cadavres l’été que l’hiver, et à une température chaude qu’à une exposition froide ? Mais ici, la puissance de l’homme est d’autant plus faible que son intelligence est moins étendue, et que l’engourdissement de ses membres se prête plus difficilement au rapide mouvement des corps. Au contraire, plus il est facile aux anges, bons ou mauvais, d’agir sur les éléments et les causes secondes, plus aussi la célérité de leurs opérations nous paraît merveilleuse. 18. Cependant le seul et unique Créateur est le Dieu qui forme le germe de tous ces différents êtres, et qui ne partage avec personne sa puissance créatrice. Car c’est en lui seul que reposent dès le commencement l’ordre de la création, la sagesse de ses plans et l’équilibre de ses forces. C’est encore lui seul qui veut bien communiquer aux anges quelque extension de son ineffable pouvoir ; en sorte qu’ils ne font que ce qu’il daigne leur permettre de faire, et qu’ils deviennent impuissants, dès qu’il leur retire cette permission. Comment, en effet, expliquer autrement, que les magiciens de Pharaon n’aient pu rassembler des moucherons, après avoir produit des grenouilles et des serpents ? Certes, il faut ici reconnaître la défense absolue de Dieu et l’action immédiate de l’Esprit-Saint. Au reste, ils l’avouèrent eux-mêmes, quand ils dirent : « Le doigt de Dieu est là ( Exod., VII, 12 ) ». Mais que peuvent faire les anges en vertu même de leur nature ? De quoi sont-ils incapables sans une permission expresse ? et quelles opérations sont incompatibles avec leur condition d’êtres spirituels ? ce sont autant de questions qu’il est impossible à l’homme de résoudre, à moins qu’il n’ait reçu de Dieu ce don spécial que l’Apôtre nomme « le discernement des esprits (I Cor., XII, 10 ) ». Nous savons en effet que l’homme possède la faculté de marcher, et qu’on peut lui en ôter l’exercice : mais nous n’ignorons point qu’il ne pourrait voler, quand même on lui en donnerait la permission. Et de même les anges inférieurs peuvent faire certaines choses, si Dieu le leur permet par l’intermédiaire des anges supérieurs, et ils ne peuvent en faire quelques autres, même avec l’autorisation de ceux-ci, parce que le Seigneur a voulu limiter l’exercice de leur puissance. C’est que souvent il ne permet pas aux esprits angéliques de faire tout ce qui serait dans le droit et les attributions de leur nature. 19. Au reste nous devons reconnaître l’action des anges dans les divers phénomènes qui accompagnent ordinairement le cours des saisons et l’ordre de la nature. Tels sont le lever et le coucher des astres, la naissance et la mort des hommes et des animaux, la reproduction si variée des plantes et des arbres, les nuées et les nuages, la neige et la pluie, la foudre et le tonnerre, les éclairs et la grêle, le vent et le feu, le froid et le chaud. Tels sont encore quelques autres phénomènes qui ne se montrent que plus rarement, comme les éclipses, les comètes, les tremblements de terre, la naissance des monstres, et autres