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par les liens intimes de la paix et de la charité, ces esprits célestes n’ont qu’une seule et même volonté, en sorte que le feu de l’amour divin transforme leurs cœurs en un seul cœur. Mais ce cœur est le trône sublime, saint et mystérieux, où la volonté du Seigneur siège comme dans son temple et son sanctuaire, et d’où elle meut dans tout l’univers, et avec un ordre et une sagesse suprêmes, l’ensemble des créatures, tant les esprits que les corps. Elle les dirige toutes vers l’accomplissement de ses immuables décrets, et sait y employer également les êtres spirituels et corporels, les animaux irraisonnables et les justes comme les impies. Seulement elle conduit les premiers par sa grâce et contraint les autres par son autorité. Mais de même que dans l’ordre physique les corps lourds et inférieurs reçoivent l’influence des corps plus légers et supérieurs, ainsi dans l’ordre moral tous les corps obéissent àl’action de l’esprit de vie. Dans l’animal irraisonnable, cet esprit de vie est soumis à celui de l’homme doué de raison ; et dans l’homme, qui par le péché s’est éloigné de Dieu, ce même esprit de vie est dirigé selon l’avantage des justes et des élus. Enfin, ceux-ci n’agissent eux-mêmes que sous la dépendance de Dieu. Il nous est donc facile de comprendre comment toutes les créatures obéissent en dernier ressort au Dieu qui leur a donné l’être, qui les a créées pour lui. Ainsi la volonté de Dieu est la cause première et souveraine de toutes les formes que revêtent les créatures corporelles, et de tous les mouvements qu’elles reçoivent. Et, en effet, l’ensemble de la création peut être considéré comme un état vaste et immense, où il ne se produit aucun mouvement visible et sensible, sans que l’impulsion première ne parte du palais secret et invisible du Maître et du souverain. Car c’est toujours lui qui tantôt commande et tantôt permet, selon que les arrêts de sa suprême justice, distribuent les récompenses et les châtiments, les grâces et les faveurs. 10. L’apôtre saint Paul, courbé sous le poids d’un corps qui se corrompt et appesantit l’âme, ne voyait encore l’éternelle vérité qu’en partie et comme sous des images obscures. Aussi désirait-il d’être dégagé des liens du corps et d’être avec Jésus-Christ ; et « gémissant en lui-même, il vivait dans l’attente de l’adoption des enfants de Dieu, qui sera la délivrance de nos corps ( Rom., VIII, 23 ) ». Toutefois il a bien pu prêcher Jésus-Christ tantôt de vive voix, ou par écrit, et tantôt par le sacrement de son corps et de son sang. Mais ici ces mots : Sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ, ne signifient sous ma plume ni la parole de l’Apôtre, ni la langue qui était l’instrument de cette parole. L’on ne doit point également les entendre du papier ou de l’encre qui lui servaient pour écrire, ni des livres qu’il prie Timothée de lui rapporter. Je veux expressément marquer le pain et le vin qui sont des fruits de la terre, et que nous prenons comme nourriture spirituelle de nos âmes, après que la prière du prêtre les a mystiquement consacrés en souvenir de la passion du Sauveur Jésus. Quand l’action de l’homme agit sur ces espèces visibles, elle n’en fait le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ que par l’opération invisible de l’Esprit-Saint. Car tout ce que l’homme fait au dehors dans cet ineffable mystère, c’est Dieu qui l’opère secrètement. Le premier il meut par des ressorts cachés soit l’âme de l’homme, soit la volonté et l’obéissance des esprits invisibles. Est-il donc étonnant que ce même Dieu emploie à son gré, pour manifester sa présence, les créatures corporelles et sensibles dont il a peuplé le ciel et la terre, la mer et les airs ? Mais quant à son essence, nous ne saurions jamais lavoir, parce qu’elle est souverainement immuable, et qu’aucun esprit créé ne peut en sonder les impénétrables mystères.


CHAPITRE V.

CARACTÈRE DU MIRACLE.

11. C’est par l’action de cette providence qui gouverne le monde des esprits et des corps, que les eaux de la mer se condensent en vapeurs, et à certaines époques fixes de l’année, se répandent sur la surface de la terre. Mais la prière du saint prophète Elie frappa la Judée d’une si longue et si continue stérilité, que les hommes mouraient de faim et de soif ; et lorsque ce serviteur de Dieu pria de nouveau pour obtenir la cessation de ce fléau, l’atmosphère ne paraissait point humide, et l’on n’apercevait à l’horizon aucun signe d’une pluie prochaine. C’est pourquoi la puissance du Seigneur se montra visiblement dans la