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question que je me propose d’étudier avec la paix de l’Église catholique et en esprit de paix. Si je me trompe, j’accepte d’avance toutes les observations que mes frères m’adresseront par amour de la vérité, et même toutes les critiques de mes adversaires, quelque mordantes qu’elles puissent être, pourvu qu’elles soient fondées et sincères.


CHAPITRE X.

APPARITIONS DE DIEU A ADAM, A ABRAHAM.

17. Et d’abord nous lisons au livre de la Genèse, que le Seigneur parla à l’homme qu’il avait formé du limon de la terre. Mais si nous prenons ici les paroles de l’Ecriture dans leur sens littéral, et si nous en excluons toute signification figurée, il semble que Dieu prit une forme humaine pour converser avec l’homme. Sans doute l’écrivain sacré ne l’affirme point positivement, mais cela résulte de l’ensemble de son récit, et spécialement de certains détails bien circonstanciés. Ainsi Adam entendant la voix de Dieu qui, vers le soir, se promenait dans le paradis terrestre, se cacha parmi les arbres qui étaient dans le jardin, et lorsque Dieu lui dit : « Adam, où es-tu ? » il lui répondit : « J’ai entendu votre voix et je me suis caché de votre face, parce que j’étais nu ( Gen., III, 8, 10. ) ». Or, je ne vois pas comment Dieu aurait pu, dans la rigueur des termes, marcher et parler, si ce n’est sous une forme humaine. Et, en effet, l’on ne peut dire qu’Adam entendit seulement le son d’une voix, puisque Moïse affirme que Dieu marcha. Et d’un autre côté, l’on ne peut soutenir qu’en marchant Dieu ne se soit rendu visible, puisqu’il est dit qu’Adam se retira de devant sa face. Quelle était donc cette personne divine ? Etait-ce le Père, ou le Fils, ou le Saint-Esprit ? Ou bien la Trinité tout entière conversait-elle avec l’homme sous une forme humaine ? Mais l’usage de l’Ecriture n’est point de passer brusquement d’une personne à l’autre, et ainsi celle qui parle ici à Adam, paraît être la même qui avait dit : « Que la lumière soit ; « que le firmament soit ( Id., I, 3, 6 ) », et qui se montra dans les autres jours de la création, Or, nous reconnaissons que cette personne est Dieu le Père, qui par sa parole créa le monde. Il fit donc toutes choses par son Verbe, et la foi catholique nous apprend que ce Verbe est son Fils unique. Mais si Dieu le Père a parlé au premier homme, s’il s’est promené vers le soir dans le paradis terrestre, et si Adam pécheur s’est caché de devant sa face dans les bosquets du jardin, pourquoi n’admettrions-nous pas qu’il soit également apparu à Abraham, à Moïse, et à plusieurs autres ? Qui l’empêchait en effet de le faire selon son bon plaisir, et par l’intermédiaire d’une créature muable et visible, tandis que lui-même restait toujours de sa nature immuable et invisible ? Toutefois, qui vous a dit, m’objecterez-vous, que l’écrivain sacré n’a point passé secrètement d’une personne à une autre, et qu’après nous avoir montré le Père créant par son Verbe la lumière et l’ensemble de l’univers, il n’indique pas ici le Fils, comme étant la personne divine qui parle à l’homme ? Sans doute il ne l’affirme pas expressément, mais il le propose à nos recherches et à notre intelligence. 18. Que celui donc qui possède un œil assez vif pour pénétrer ce mystère, y applique son esprit, et qu’il cherche à découvrir si par l’intermédiaire d’une créature sensible, le Père a pu se manifester aux regards des hommes, ou bien si ces diverses apparitions doivent exclusivement être rapportées au Fils et au Saint-Esprit. Je souhaite qu’il réussisse dans cette recherche, et qu’il lui soit donné d’éclaircir et d’expliquer ce mystère. Pour moi, je m’en tiens au texte même de l’Ecriture, et je regarde comme secrète et impénétrable la manière dont le Seigneur a parlé à l’homme. D’ailleurs il ne me paraît pas évident qu’Adam et Eve aient aperçu Dieu des yeux du corps ; et puis se présente cette grande question : Comment leurs yeux s’ouvrirent-ils, dès qu’ils eurent mangé du fruit défendu ? est-ce qu’auparavant ils étaient fermés ( Gen., III, 7 ) ? Cependant il ne me semble point téméraire de dire que l’Ecriture, en mentionnant le jardin de délices comme un séjour terrestre, suppose par cela même que Dieu ne pouvait s’y promener que sous une forme humaine. Et en effet, l’on n’est point admis à supposer que l’homme entendît seulement une simple voix, sans voir une figure quelconque, et bien qu’il soit expressément marqué « qu’Adam se cacha de devant la face du Seigneur », on ne doit pas conclure qu’il le voyait habituellement. Eh ! sans pouvoir contempler Dieu, Adam ne