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lecteur hésite donc à les entendre du Fils qui, comme homme, est inférieur au Père, ou du Fils qui, comme Dieu, est égal au Père. C’est qu’en effet nous disons du Fils qu’il est Dieu de Dieu, et lumière de lumière, tandis qu’en parlant du Père, nous disons simplement qu’il est Dieu, et non, Dieu de Dieu. Il est en effet évident que Dieu le Fils a un Père qui l’a engendré, et dont il est le Fils. Le Père au contraire ne doit rien au Fils, si ce n’est que par lui il est le Père. Car tout fils tient de son père tout ce qu’il est, et il ne peut cesser d’être son fils. Mais le père n’est point redevable à son fils de ce qu’il est, puisqu’il est son père. 3. Ainsi dans l’Ecriture certains passages marquent qu’entre le Père et le Fils il y a égalité et unité de nature. En voici quelques-uns : « Mon Père et moi sommes un ». Et encore : « Jésus-Christ ayant la nature de Dieu, n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ( Jean, X, 30 ; Philipp., II, 6 ) ». Il serait facile de multiplier des citations semblables. Mais (l’un autre côté plusieurs textes prouvent que le Fils est inférieur au Père en tant qu’il a pris la forme d’esclave, et qu’il a revêtu l’infirmité de la nature humaine. « Le Père », dit Jésus-Christ, « est plus grand que moi » ; et encore : « Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils la puissance de juger ». Aussi ajoute-t-il, comme conséquence de cette première parole, « que cette puissance de juger lui a été donnée parce qu’il est Fils de l’homme (Jean, XIV, 28, V, 22, 27. ) » Enfin quelques autres passages se taisent sur toute idée d’égalité, ou d’infériorité, et se bornent à exprimer ce que le Fils tient du Père. Tels sont ceux-ci : « Comme le Père a la vie en soi, ainsi il a donné au Fils d’avoir en soi la vie…et le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ( Jean, V, 26, 19 ). Si l’on rapportait ce dernier texte à Jésus-Christ comme étant inférieur au Père, en tant qu’il a pris la forme d’esclave, il s’ensuivrait que le Père a marché le premier sur les eaux, qu’il a guéri avec de la salive et de la boue un aveugle-né, et qu’il a opéré tous les miracles que le Fils, comme homme, a faits parmi les hommes (Matt., XIV, 26, Jean, IX, 6, 7). Autrement Jésus-Christ n’eût pu les faire, puisque « le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ». Mais qui porterait jusqu’à ce point le délire et l’extravagance ? Le sens de ces paroles est donc d’abord, que la vie est immuable dans le Fils comme dans le Père, et que néanmoins le Fils est engendré du Père ; ensuite qu’il y a dans le Père et le Fils unité d’opération, et que néanmoins le Fils tient du Père qui l’a engendré, la puissance d’agir ; et en troisième lieu que le Fils voit le Père, mais de telle manière que de cette vue résulte le fait de sa génération. Et en effet, pour le Fils, voir le Père, c’est être du Père ou en être engendré ; et le voir agir, c’est agir également, mais non de lui-même, parce qu’il ne s’est pas engendré lui-même, Aussi dit-il que « quelque chose que le Fils voie faire au Père, il le fait aussi », parce qu’il est né du Père ( Jean, V, 19 ). Mais ici il ne faut se représenter ni le peintre qui reproduit le tableau qu’il a sous les yeux, ni la main qui fixe par l’écriture les pensées de l’esprit ; c’est un ordre d’opération tout différent, car « quelque chose que le Père fasse, le Fils le fait également comme lui ( Ibid.) Ces derniers mots, également et comme lui, expriment qu’il y a unité d’opération dans le Père et le Fils, et ils indiquent en même temps que le Fils agit par le Père. C’est pourquoi « le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ». Au reste, en parlant ainsi, les écrivains sacrés n’ont point voulu affirmer que le Fils, comme Dieu, est inférieur au Père, et ils se sont seulement proposé de nous marquer sa génération éternelle. C’est donc faussement que quelques-uns en concluent l’infériorité d u Fils. Cette erreur provient en eux d’une connaissance peu approfondie de nos livres saints, et parce que la saine raison se refuse à interpréter ces divers passages du Fils de Dieu, comme homme, ils se troublent et s’égarent en leurs pensées. Voulons-nous éviter ce malheur ? attachons-nous fortement à la règle qui explique ces textes, non de l’infériorité du Fils, mais de sa génération, et voyons-y, non l’indice d’une inégalité quelconque entre le Père et le Fils, mais le mode de la naissance de celui-ci.


CHAPITRE II.

DEUX SENS ÉGALEMENT VRAIS.

4. lise rencontre donc dans l’Ecriture, comme je l’ai déjà observé, certains passages dont le sens semble douteux. Et, en effet, ils peuvent