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Père. C’est alors que toute créature étant soumise à Dieu, l’humanité sainte que le Fils de Dieu a prise en se faisant homme, lui sera elle-même soumise. Et en effet, comme homme « le Fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ( I cor., XV, 28 ) ». Mais si le Fils de Dieu se montrait comme juge dans la forme divine qui le rend égal à son Père, et s’il se montrait ainsi aux pécheurs, il n’aurait plus de raison de promettre à son fidèle et bien-aimé disciple, comme bienfait inestimable, « qu’il l’aimera, et qu’il se montrera à lui ( Jean, XIV, 21 ) ». Concluons qu’au dernier jour le Fils de l’homme jugera tous les hommes en vertu de l’autorité qui lui appartient comme Dieu, et non par la puissance de son humanité. Et toutefois, il est vrai de dire que le Fils de Dieu jugera aussi tous les hommes : seulement il n’apparaîtra point en la nature divine qui le rend égal au Père, mais en la nature humaine qu’il a prise en devenant le Fils de l’homme.

29. Il est donc permis de dire et que le Fils de l’homme jugera, et que le Fils de l’homme ne jugera pas. Il jugera, puisqu’il a dit lui-même : « Lorsque le Fils de l’homme viendra, toutes les nations seront assemblées devant lui ( Matt., XXV,32 ) » ; et il ne jugera pas, afin que cette parole soit accomplie : « Je ne jugerai point » ; et cette autre : « Je ne cherche point ma gloire ; il est quelqu’un qui la cherche et qui juge ( Jean, XII, 47, VIII, 50 ) ». Bien plus, parce qu’au jour du jugement général, Jésus-Christ apparaîtra comme homme et non comme Dieu, il est vrai d’affirmer que le Père ne jugera pas ; et c’est en ce sens que Jésus-Christ a dit : « le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ( Id., V, 22 ) ».

Quant à cette autre parole que j’ai déjà citée : « Le Père a donné au Fils d’avoir la vie en soi ( Id., V, 26) », elle se rapporte à la divinité de Jésus-Christ et à sa génération éternelle. On ne pourrait donc l’entendre de son humanité dont l’Apôtre a dit « que Dieu l’a élevée, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ». Car évidemment l’Apôtre désigne ici Jésus-Christ comme Fils de l’homme, puisque c’est seulement en cette qualité que le Fils de Dieu est ressuscité d’entre les morts. Egal comme Dieu à son Père, il a daigné s’abaisser jusqu’à prendre la forme d’esclave, et c’est en cette ferme qu’il agit, qu’il souffre et qu’il reçoit la gloire. Pour s’en convaincre, il suffit de lire ce passage de l’épître aux Philippiens : « Le Christ s’est humilié, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de son Père ( Philipp., II, 6, 11 ) ». Ce témoignage de l’Apôtre se rapporte à Jésus-Christ comme homme, de même que cette parole : « Le Père a donné tout jugement au Fils » ; et l’on voit assez qu’on ne saurait l’interpréter dans le même sens que celle-ci : « Le Père a donné au Fils d’avoir la vie en soi » : autrement il serait inexact de dire « que le Père ne juge personne ». Car en tant que le Père engendre un Fils qui lui est égal, il juge conjointement avec lui. Il faut donc affirmer qu’au jour du jugement général Jésus-Christ apparaîtra en son humanité, et non en sa divinité. Ce n’est point que celui qui a donné tout jugement au Fils, ne doive aussi juger avec lui, puisque le Sauveur a dit « Il en est un qui cherche ma gloire et qui juge » ; mais quand il a ajouté « que le Père ne juge personne, et qu’il a donné tout jugement au Fils », c’est comme s’il eût dit que dans ce jugement personne ne verra le Père, et que tous verront le Fils. En effet, parce que celui-ci est devenu Fils de l’homme, les pécheurs le verront, et ils tourneront leurs regards vers celui qu’ils auront percé.

30. Mais peut-être m’accuserez-vous d’émettre ici une pure conjecture plutôt qu’une proposition vraie et évidente. Eh bien ! je vais m’appuyer sur le témoignage certain et évident de Jésus-Christ lui-même. Pour vous convaincre qu’en disant « que le Père ne juge personne, et qu’il a donné tout jugement au Fils », il a voulu expressément marquer que comme juge il apparaîtra en la forme de Fils de l’homme, forme qui n’appartient pas au Père, mais au Fils ; forme en laquelle il n’est pas égal, mais inférieur au Père, mais qui lui permettra d’être vu des bons et des méchants, il suffit de lire le passage suivant : « En vérité je vous le dis, celui qui écoute ma