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puisque ce sera la parole que le Fils aura annoncée. Mais écoutez la suite de ce passage : « Je n’ai point parlé de moi-même : mais mon Père qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire, et comment je dois parler. Et je sais que son commandement est la vie éternelle. Or ce que je dis, je le dis selon que mon Père m’a ordonné ( Jean, XII, 47, 50 ) ». Ainsi ce n’est pas le Fils qui juge, mais c’est la parole que le Fils a prononcée ; et cette parole n’est elle-même investie de ce pouvoir que parce que le Fils n’a point parlé de lui-même, -mais selon l’ordre et le commandement de Celui qui l’a envoyé. Le jugement est donc réservé au Père dont le Fils nous a transmis la parole. Or ce Verbe, ou cette parole du Père, n’est autre que le propre Fils de Dieu. Car il ne faut point ici distinguer deux commandements, l’un du Père, et l’autre du Fils, et c’est uniquement le Fils qui est désigné par le terme de commandement ou de parole.

Mais examinons si par ces mots : « Je n’ai point parlé de moi-même », J.-C. ne voudrait pas dire : je ne me suis pas donné l’être à moi-même. Et en effet quand le Verbe de Dieu s’énonce au dehors, il ne peut que s’énoncer lui-même, puisqu’il est le Verbe de Dieu. Aussi dit-il souvent que « son Père lui a donné », pour nous faire entendre qu’il tire de lui sa génération éternelle. Car le Fils n’existait point avant que le Père lui donnât, et le Père ne lui a pas donné parce qu’il manquait de quelque chose, mais il lui a adonné d’être, et en l’engendrant il lui a donné d’avoir toutes choses. Il ne faut pas en effet raisonner ici du Fils de Dieu, comme nous le faisons des créatures. Avant le mystère de l’Incarnation, et avant qu’il eût pris la nature humaine, le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, réunissait en lui l’être divin et la plénitude divine, Il était, et parce qu’il était, il avait. C’est ce qu’exprime clairement ce passage de saint Jean, si nous savons le comprendre : « Comme le Père, dit Jésus-Christ, a la vie en soi, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir en soi la vie (Id., V, 26 ) ». Mais le Fils n’existait point avant qu’il eût reçu du Père d’avoir la vie en soi, puisque par cela seul qu’il est, il est la vie. Ainsi cette parole « Le Père adonné au Fils d’avoir la vie en soi », signifie que le Père a engendré un Fils qui est la vie immuable et éternelle. Et en effet le Verbe de Dieu n’est pas autre que le Fils de Dieu, et le Fils de Dieu est lui-même « le Dieu véritable et la vie éternelle », ainsi que nous le dit saint Jean dans sa première épître ( Jean, V, 20 ). Pourquoi donc ne pas reconnaître ici ce même Verbe, dans « cette parole que Jésus-Christ a « annoncée, et qui jugera le pécheur au dernier « jour ? » Au reste tantôt il se nomme lui-même la parole du Père, et tantôt le commandement du Père, en ayant soin de nous avertir que ce commandement est la vie éternelle. « Et je sais, dit-il, que son commandement est la vie éternelle ( Jean, XII, 50 ) ».

27. Il nous faut maintenant chercher en quel sens Jésus-Christ a dit : « Je ne le jugerai point, mais la parole que j’ai annoncée « le jugera ». D’après le contexte de ce passage, c’est comme si le Sauveur disait : je ne le jugerai point, mais ce sera le Verbe du Père qui le jugera. Or le Verbe du Père n’est autre que le Fils de Dieu, et par conséquent nous devons comprendre que Jésus-Christ dit en même temps : je ne jugerai point et je jugerai. Mais comment cela peut-il être vrai, si ce n’est dans ce sens : je ne jugerai point parla puissance de l’homme, et en tant que je suis Fils de l’homme, mais je jugerai par la puissance du Verbe, et en tant que je suis Fils de Dieu ? Si au contraire vous ne voyez que répugnance et contradiction dans ces paroles : je jugerai, et je ne jugerai pas ; je vous demanderai de m’expliquer celles-ci : « Ma doctrine n’est pas ma doctrine ( Id., 16 ). Comment Jésus-Christ peut-il dire que sa doctrine n’est pas sa doctrine ? car observez qu’il ne dit point : cette doctrine n’est pas une doctrine, mais : « Ma doctrine n’est pas ma doctrine ». Il affirme donc tout ensemble que sa doctrine est sienne, et qu’elle n’est pas sienne. Or, cette proposition ne peut être vraie que si on en prend le premier membre dans un sens, et le second dans un autre sens. Comme Dieu la doctrine de Jésus-Christ est sienne, et comme homme elle n’est pas sienne ; et c’est ainsi qu’en disant : « Ma doctrine n’est pas ma doctrine, mais elle est la doctrine de Celui qui m’a envoyé », il fait remonter nos pensées jusqu’au Verbe lui. même.

Je cite encore un autre passage qui tout d’abord ne paraît pas moins difficile. « Celui, dit Jésus-Christ, qui croit en moi, ne croit pas en moi ( Id., XII, 44 ) ». Comment croire en lui est-il ne pas