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vous le connaissez, parce qu’il demeure en vous, et qu’il est en vous (Jean, XIV, 17) ». Comment donc soutenir que cet Esprit, dont il est dit qu’il demeure en nous, et qu’il est en nous, n’habite pas dans l’âme du juste ? Enfin ce serait une trop grossière absurdité que d’affirmer que la présence du Père et du Fils en l’âme de celui qui les aime, met en fuite l’Esprit-Saint, en sorte qu’il se retire à leur approche, comme un inférieur devant ses supérieurs. Toutefois il suffit, pour renverser cette monstrueuse erreur, de rappeler ces paroles du Sauveur : « Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il demeure éternellement avec vous ( Id., XIV, 16) ». Ainsi l’Esprit-Saint ne se retire point à l’approche du Père et du Fils, et il doit, conjointement avec eux, demeurer éternellement dans l’âme des justes, car il n’y vient point sans eux, ni eux sans lui. Mais c’est en raison de la distinction des personnes en la Trinité, que certaines choses sont dites séparément de chaque personne ; et néanmoins ces mêmes choses se rapportent également aux trois personnes divines, à cause de l’unité de nature qui fait qu’en la Trinité des personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un seul Dieu.


CHAPITRE. X.

DANS QUEL SENS EST-IL DIT QUE LE FILS LIVRERA LA SOUVERAINETÉ AU PÈRE.


20. Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ remettra son royaume à Dieu le Père, il le remettra également au Fils et au Saint-Esprit : et c’est alors qu’il introduira les élus dans cette contemplation de Dieu, qui est le terme de toutes leurs bonnes œuvres, et qui sera pour eux un repos éternel et une joie immortelle. Telle est la promesse que renferment ces paroles du Sauveur : « Je vous verrai de « nouveau, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie ( Id., XVI, 22 ) ». Marie, assise aux pieds de Jésus et écoutant sa parole, nous représente bien ce bonheur du ciel. Car, libre de toute action extérieure, et plongée dans la jouissance de la vérité suprême, autant du moins qu’elle nous est donnée pendant cette vie, elle figurait excellemment l’état immuable des élus. Marthe, au contraire, s’employait à des occupations bonnes et utiles, mais passagères, et auxquelles devait succéder un doux loisir, tandis que Marie se reposait en la parole du divin Sauveur. Aussi quand Marthe se plaignit de ce que sa sœur ne lui aidait pas, Jésus-Christ lui répondit-il : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée (Luc., X, 42 ) ». Il ne dit point que la part de Marthe fût mauvaise, mais il dit que celle de Marie était meilleure, et il ajouta qu’elle ne lui serait pas ôtée. La première, qui a pour objet le soulagement de notre indigence, cessera avec cette indigence, et un éternel repos sera la récompense de son généreux dévouement. Mais la seconde subsistera toujours, parce que dans la Vision béatifique, Dieu sera toutes choses en tous ses élus, en sorte qu’ils n’éprouveront aucun autre désir, et qu’en sa lumière ils jouiront d’un parfait bonheur.

C’est le bonheur que demandait le psalmiste, par ces gémissements ineffables que l’Esprit-Saint formait en lui, quand il s’écriait : « J’ai demandé une seule grâce au Seigneur, et je la lui demanderai encore, celle d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour y contempler la beauté du Seigneur ( Luc., X, 42 ) ». Nous verrons donc Dieu le Père, Dieu le Fils, et Dieu l’Esprit-Saint, lorsque Jésus-Christ qui est établi médiateur entre Dieu et les hommes, aura remis son royaume à Dieu le Père. Alors le Verbe éternel qui est tout ensemble Fils de Dieu et Fils de l’homme, n’intercédera plus pour nous, comme notre médiateur et notre pontife. Mais lui-même en tant que pontife, et ayant pris la forme d’esclave, sera assujetti à Celui qui lui a soumis toutes choses, et auquel il a assujetti toutes choses ; bien plus, en tant que Dieu il verra que lui sont assujettis, ainsi qu’à son Père, tous ceux avec qui il est lui-même assujetti en qualité de pontife. C’est ainsi que le Fils étant Dieu et homme tout ensemble, la nature humaine diffère en lui de la nature divine qu’il tient du Père. Et de même, quoique mon corps et mon âme soient d’une nature différente, ils ont ensemble des rapports intimes que l’âme d’un autre homme ne saurait avoir avec la mienne. 21. Concluons donc que Jésus-Christ remettant son royaume à Dieu le Père, fera entrer dans la vision béatifique ceux qui sur la terre croient en lui, et dont il est le pontife et le médiateur. Ici-bas nous appelons cette vision de nos soupirs et de nos gémissements ; mais quand le travail et la douleur auront cessé,