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créature plutôt que le Créateur », nous sommes en droit de conclure. que le Saint-Esprit n’est pas une créature, puisque tous les chrétiens l’adorent et le servent. Et en effet, saint Paul dit « que nous ne sommes point soumis à la circoncision, parce que nous servons l’Esprit de Dieu », c’est-à-dire, selon le terme grec, que nous lui rendons le culte de latrie ( Philipp., III, 3 ). Telle est la leçon que donnent tous ou presque tous les manuscrits grecs, et qui se trouve également dans plusieurs exemplaires latins. Quelques-uns cependant portent : nous servons Dieu en esprit, au lieu de lire : nous servons l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi, sans me préoccuper de prouver à mes adversaires l’authenticité d’un texte dont ils récusent la valeur, je leur demanderai s’ils ont jamais rencontré la plus légère variante dans ce passage de la première épître aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple du Saint-Esprit, que vous avez reçu de Dieu ? » Mais ne serait-ce point un blasphème et un sacrilège que d’oser dire que le chrétien, membre de Jésus-Christ, est le temple d’une créature inférieure à Jésus-Christ ? Or, l’Apôtre nous affirme, dans un autre endroit : « que nos corps sont les membres de Jésus-Christ ». Si donc ces mêmes corps, membres de Jésus-Christ, sont également les temples de l’Esprit-Saint, celui-ci ne saurait être créature. Et, en effet, dès là que notre corps devient le temple de l’Esprit-Saint, nous devons rendre à cet Esprit le culte qui n’est dû qu’à Dieu, et que les Grecs nomment culte de latrie. Aussi saint Paul a-t-il raison d’ajouter : « Glorifiez donc Dieu dans votre corps ( I Cor., VI, 19, 15, 20.).


CHAPITRE VII.

COMMENT LE FILS EST-IL INFÉRIEUR AU PÈRE ET A LUI-MÊME.

14. Ces divers textes de nos divines Ecritures et plusieurs autres ont fourni, comme je l’ai dit, à tous ceux qui ont déjà traité ce sujet, d’abondantes preuves pour réfuter les erreurs et les calomnies des hérétiques, et pour établir notre croyance en Dieu, un en nature et triple en personnes. Mais lorsqu’il s’agit de l’incarnation du Verbe de Dieu, incarnation, par laquelle Jésus-Christ s’est fait homme afin d’opérer l’œuvre de notre rédemption, et de se porter comme médiateur entre Dieu et l’homme, les écrivains sacrés, il faut le reconnaître, tantôt insinuent que le Père est plus grand que le Fils, et tantôt même le disent ouvertement. De là l’erreur de ceux qui, par défaut d’une étude sérieuse des Ecritures, ne saisissent qu’imparfaitement l’ensemble de leur doctrine, et attribuent ce qu’elles disent de Jésus-Christ comme homme, à Jésus-Christ comme Dieu ; or, qui ne sait qu’en tant que Dieu il était avant l’Incarnation, de même qu’il sera éternellement ? C’est ainsi que certains hérétiques soutiennent que le Fils est inférieur au Père, parce que lui-même a dit : « Le Père est plus grand que moi ( Jean, XIV, 25 ) ». Mais ce raisonnement nous conduit à dire que Jésus-Christ est au-dessous du Fils de Dieu ; car n’est-il pas en effet descendu jusqu’à cet abaissement, « puisqu’il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave ? »Toutefois, en prenant la forme d’esclave, il n’a point perdu la nature de Dieu, et il est demeuré égal à son Père. Ainsi, en prenant la forme d’esclave, il est resté Dieu, et il est toujours le Fils unique de Dieu, soit que nous le considérions sous cette forme d’esclave, soit en sa nature de. Dieu. Sous ce dernier rapport, Jésus-Christ est égal à son Père, et sous le premier il est médiateur entre Dieu et les hommes. Mais alors, qui ne comprend que comme Dieu il soit plus grand que comme Dieu-homme, et que même ayant pris la forme d’esclave, il soit inférieur à lui-même ? C’est pourquoi la sainte Ecriture dit avec raison, et que le Fils est égal au Père, et que le Père est plus grand que le Fils. Or, ces deux propositions sont vraies, si l’on entend la première de Jésus-Christ eu tant que Dieu, et la seconde de Jésus-Christ en tant qu’homme. Au reste, l’Apôtre exprime dans-son épître aux Philippiens cette distinction, et-nous la donne comme la solution vraie et facile de toutes les difficultés de ce genre. Et en effet, quoi de plus formel que ce passage : « Jésus-Christ ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ; et cependant il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et se faisant reconnaître pour homme par tout ce qui a paru de lui ( Philipp., II, 6, 7 ) ? »Ainsi le Fils de Dieu, égal au Père par sa nature divine, lui est inférieur par sa nature humaine. En prenant la forme d’esclave, il