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CHAPITRE II.

PLAN DE CET OUVRAGE.

4. J’entreprends donc avec le secours du Seigneur, notre Dieu, d’exposer à mes adversaires, selon leurs désirs, les diverses raisons qui nous font dire, croire et comprendre comment en un seul et vrai Dieu existe la Trinité des personnes, et comment ces trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, n’ont qu’une seule et même nature, une seule et même substance. Au reste, je me propose bien moins de faire taire leurs froides plaisanteries, que de les amener à proclamer l’existence de cet Etre qui est souverainement bon, et qui ne se révèle qu’aux âmes pures et dégagées des sens. S’ils ne peuvent donc ni le voir, ni le comprendre, c’est que l’œil de l’homme est trop faible pour soutenir par lui-même l’éclat de la lumière divine, et qu’il a besoin d’être fortifié par l’exercice de la foi et de la justice chrétienne.

Or il me faut en premier lieu prouver par l’autorité des saintes Ecritures la certitude de notre foi ; et ensuite, avec l’aide et le secours de Dieu, j’aborderai de front ces vains discoureurs en qui l’orgueil est plus grand encore que la science, et qui par là même n’en sont que plus dangereusement malades. Puissé-je en les faisant convenir d’un principe certain et indubitable, les convaincre qu’à l’égard des difficultés qu’ils ne peuvent résoudre, ils doivent accuser bien plus la faiblesse de leur intelligence, que la vérité elle-même, ou notre méthode de discussion ! Alors, s’il leur reste quelque amour ou quelque crainte de Dieu, ils se hâteront de revenir aux principes et aux règles de la foi, et ils comprendront combien est salutaire l’enseignement de la sainte Église. Et en effet, cet enseignement et les pieux exercices de la religion sont comme un remède divin qui guérit la faiblesse de notre âme, et la rend capable de percevoir l’immuable vérité, sans redouter qu’une folle témérité la précipite en des opinions fausses et dangereuses. D’ailleurs, je suis tout disposé à m’éclairer quand je douterai ; et jamais je ne rougirai, si je m’égare, d’être ramené dans la bonne voie.



CHAPITRE III.

DANS QUELLES DISPOSITIONS ON DOIT LE LIRE.

5. Quiconque lira donc ce traité, doit avancer avec moi quand il se sentira ferme et assuré, chercher avec moi, quand il hésitera, revenir vers moi, quand il reconnaîtra son erreur, et me redresser moi-même, si je me trompe. Nous marcherons ainsi d’un pas égal dans les sentiers de la charité, et nous tendrons ensemble vers Celui dont il est dit : « Cherchez toujours sa face ( Ps., CIV, 4 ) ». Tel est l’accord pieux et sincère que je propose, en présence du Seigneur notre Dieu, à tous ceux qui daigneront lire mes ouvrages, et principalement ce traité où je défends l’unité des trois personnes divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. De tous nos mystères, il n’en est pas où l’erreur soit plus aisée et plus dangereuse, ni où le travail soit plus difficile. Mais aussi, plus que tout autre, il est fécond en fruits de salut. S’il arrive que quelque lecteur, parcourant ce traité, s’écrie : Voilà qui est mal dit, car je ne comprends pas ; je le prie d’accuser l’imperfection de ma parole, et non la sincérité de ma foi. Au reste la phrase eût pu être, parfois, plus claire et plus précise ; mais à qui est-il donné de se faire comprendre de tous, et en toutes sortes de sujets ? Je prie donc mon censeur d’examiner s’il saisit mieux la pensée de ceux qui passent pour savants en ces matières ; et s’ils sont plus intelligibles que moi, je consens à ce qu’il ferme mon livre, et même à ce qu’il le rejette. Car il doit de préférence donner son temps et son attention aux auteurs qu’il peut comprendre.

Toutefois, il y aurait injustice de sa part à dire que j’eusse mieux fait de me taire, parce que je n’ai pu m’exprimer avec la même précision et la même lucidité que ses auteurs favoris. Et en effet, tous ne lisent pas tous les ouvrages qui se publient. Il peut donc arriver que des esprits capables de me comprendre, lisent incidemment celui-ci, et ne puissent néanmoins se procurer d’autres traités plus simples et plus familiers. Ainsi il est utile que plusieurs auteurs écrivent sur le même sujet avec une certaine différence de style, mais en unité de foi, afin qu’un plus grand nombre de lecteurs s’éclairent et s’instruisent ; car alors chacun peut choisir selon son goût et son inclination. Mais au contraire, si mon censeur a toujours été incapable de suivre sur ces matières une discussion sévère et approfondie, il fera beaucoup mieux de désirer et de hâter le développement de son intelligence, que de m’engager au silence par ses plaintes et ses critiques.