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charité vous appelle ; regardez et voyez si notre Dieu n’est pas infiniment supérieur à la richesse. Ce soleil qui nous éclaire est plus beau que votre richesse, et cependant ce soleil n’est pas votre Dieu. Si donc cette lumière est plus belle que votre richesse, combien n’est pas plus beau encore celui qui a créé cette lumière ? Voudriez-vous donc comparer votre argent à la lumière ? Que le soleil disparaisse dans la nuit ; alors montrez-moi votre argent. Il brille, mais seulement quand je déjoue la nuit par un flambeau ; voilà que vous êtes riche, montrez-moi vos richesses ; si vous n’avez pas de lumière, si vos yeux sont plongés dans l’obscurité, montrez-moi donc où sont vos richesses.


CHAPITRE X. L’AVEUGLEMENT DES AVARES.

Les yeux ne peuvent sonder l’horrible profondeur de l’avarice, mais l’esprit la mesure en sûreté. Nous avons vu des avares aveugles ; qu’on me dise ce qui les rend aveugles. Qu’il possède ou qu’il ne possède pas, l’avare est un aveugle. Pourquoi ? Parce que, dès là qu’il croit posséder il est aveugle. C’est sa croyance qui le rend riche, il est donc riche parce qu’il croit l’être et non parce qu’il le voit. Combien plus sûrement la foi nous élève vers Dieu ! Vous ne voyez pas ce que vous possédez, et c’est Dieu même que je vous prêche. Vous ne voyez pas encore ; aimez et vous verrez. Aveugle que vous êtes, vous aimez l’argent que vous ne verrez jamais. Vous possédez en aveugle, vous mourrez en aveugle, et vous laisserez ici-bas ce que vous y possédez. Même pendant votre vie, vous ne possédiez pas, puisque vous ne voyiez pas ce que vous aviez.

11. Et sur Dieu, que vous est-il dit ? Ecoutez ce mot de la sagesse ; aimez Dieu « comme « l’argent  ». C’est une infamie et un outrage dé comparer la sagesse à l’argent : mais ici on se contente de comparer l’amour à l’amour. En effet je vous vois épris d’un tel amour pour là richesse que sur son ordre vous entreprenez les travaux les’ plus pénibles, vous supportez le jeûne, vous traversez la mer, vous vous confiez aux vents et aux flots. Je sais ce que vous pourriez aimer, mais je ne sais pas ce que je pourrais ajouter à l’amour qui vous possède. Aimez-moi de cette manière, je ne ceux pas être aimé davantage, dit le Seigneur.

C’est aux hommes injustes et avares que je m’adresse : vous aimez l’argent, rendez-moi le même amour. Sans doute je suis infiniment supérieur à la richesse, mais je ne vous demande qu’un amour égal ; aimez-moi, autant que vous aimez l’argent. Du moins rougissons de honte, confessons notre crime et frappons-nous la poitrine, au lieu d’étendre sur nos péchés un pavé de pierre ou de marbre. Celui qui frappe sa poitrine et ne se corrige pas, consolide ses péchés et ne les détruit pas. Frappons notre poitrine, blessons-nous, corrigeons-nous nous-mêmes, si nous ne voulons pas que celui qui est notre maître nous frappe à son tour. Jusque-là nous avons dit ce que nous devons apprendre, disons maintenant pourquoi nous devons l’apprendre.


CHAPITRE XI. APPRENDRE LES LETTRES DANS UN BUT TEMPOREL.

12. Pourquoi êtes-vous allé à l’école ? pourquoi avez-vous été frappé, conduit par vos parents, recherché dans votre fuite, ramené par force et appliqué à l’instrument de pénitence ? Pourquoi avez-vous été frappé ? pourquoi toutes ces violences que vous avez dû subir dans votre jeunesse ? Pour vous forcer d’apprendre. Qu’appreniez-vous ? Les lettres. Pourquoi ? pour acquérir des richesses, ou des honneurs et parvenir aux plus hautes dignités. Voyez comme une simple chose qui doit périr, doit entraîner également votre perdition ; combien de souffrances vous avez subies pour apprendre une chose périssable, et pourtant vous étiez réellement aimé de celui qui vous soumettait à ces rudes épreuves ; celui qui vous faisait frapper vous aimait, et l’on vous frappait pour vous forcer à apprendre quoi ? les lettres. Les lettres sont-elles bonnes ? Sans aucun doute. Je sais que vous allez me dire vous autres, évêques, n’avez-vous pas lu les lettres ? ne traitez-vous pas maintenant des saintes Ecritures à l’aide de la littérature ? Assurément ; mais ce n’est pas précisément dans ce but que nous avons appris les lettres. Nos parents, quand ils nous envoyaient à l’école, ne nous disaient pas : Apprenez les lettres afin que vous puissiez lire les lois du Seigneur. Même les chrétiens ne tiennent pas ce langage à leurs enfants. Que leur disent-ils ? Apprenez les lettres. Pourquoi ? Afin que vous soyez hommes. Et pourquoi donc ? Est-ce que je suis