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Dieu l’exalta ; le démon s’était élevé et Dieu l’abaissa, car « il humilie celui-ci et exalte celui-là ». Toutefois, mes frères, quand quelqu’un d’entre nous se trouve éprouvé par quelques tribulations de ce genre, qu’il n’en attende point ici-bas la récompense ; par exemple s’il subit quelques pertes, qu’il ne dise pas : « Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a ôté ; il n’est arrivé que ce qui a plu au Seigneur, que son nom soit béni » ; qu’il ne tienne pas, dis-je, ce beau langage, dans l’intention d’obtenir le double de ce qu’il a perdu. Que ce soit la patience et non pas l’avarice qui loue le Seigneur. Si vous cherchez à recevoir le double de ce que vous avez perdu, et si c’est dans ce but que vous louez le Seigneur, c’est la cupidité qui vous inspire et non la charité. N’invoquez pas en votre faveur l’exemple du saint homme Job ; ce serait une illusion de votre part. Quand Job supportait toutes ses douleurs, il n’espérait pas recevoir le double de ce qu’il perdait. Vous pouvez en trouver la preuve, si vous voulez étudier soit la première de ses épreuves quand il perdit tous ses biens et ses enfants, soit la seconde quand son corps ne devint plus qu’une plaie.

A la première épreuve il répond : « Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a ôté ; il n’est arrivé que ce qui a plu au Seigneur ; que son nom soit béni ». Il pouvait dire : Le Seigneur m’a donné, le Seigneur m’a repris, il peut me rendre ce qu’il m’a enlevé, il peut me rendre plus qu’il ne m’a enlevé. Tel n’est point son louange, niais : il n’est arrivé que ce qui a plu au Seigneur ; je veux que ce qui lui plait me plaise à moi-même ; ce qui plait à un bon Maître ne doit pas déplaire à un serviteur fidèle ; ce qui plaît à un médecin ne doit pas déplaire à un malade. Ecoutez sa seconde profession de foi : « Vous avez parlé, dit-il à sa femme, comme une personne insensée. Puisque nous recevons tous les biens de la main de Dieu, pourquoi ne supporterions-nous pas les maux ? » Il n’ajoute pas, et il aurait pu le faire en toute vérité : le Seigneur est tout-puissant et il peut remettre ma chair dans son premier état, et nous rendre au centuple ce dont il nous a dépouillés : il aurait craint de laisser croire que sa patience n’était qu’un calcul basé sur cette espérance. Ce ne fut point là son langage, ce n’est point là ce qu’il espérait. Or le Seigneur lui accorda la récompense qu’il n’espérait pas, afin de nous apprendre qu’il ne l’abandonnait point dans ses épreuves ; toute autre récompense qu’il lui aurait accordée eût suffi à ce saint homme, mais comme elle eût été invisible pour nous, nous n’aurions pu y puiser aucun enseignement salutaire. Quand donc la sainte Ecriture nous exhorte à la patience et à l’espérance des biens futurs, elle veut élever nos cœurs au-dessus des choses présentes. « Vous avez appris la patience de Job, et vous avez vu la fin du Seigneur ». Pourquoi « la patience de Job » et non pas la fin de Job lui-même ? Vous aspireriez aussitôt à une possession double de la première ; vous diriez, je rends grâces à Dieu, je veux souffrir, et comme Job je reçois le double. « La patience de Job, la fin du Seigneur ». Nous connaissons la patience de Job et la fin du Seigneur. Quelle fin du Seigneur ? « Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné  ? » Ce sont là les paroles de Jésus-Christ sur la croix. Dieu l’avait abandonné quant au bonheur présent, mais non quant à l’immortalité éternelle. C’est là la fin du Seigneur. Les Juifs se saisissent de lui, l’insultent, le chargent de chaînes, le couronnent d’épines, le couvrent de crachats, le flagellent, l’accablent d’opprobres, le clouent sur la croix, le percent d’une lance, enfin l’ensevelissent : il est entièrement abandonné. Mais à qui donc ? A ceux qui l’insultent. Eh bien ! donc prenez patience, afin que vous ressuscitiez et que vous ne mouriez plus, à l’exemple du Sauveur. N’est-il pas écrit : « Jésus-Christ ressuscitant d’entre les morts ne meurt plus ? »



CHAPITRE IV. ÊTRE ASSIS A LA DROITE DU PÈRE.

11. Croyez que Jésus-Christ est monté au ciel. Croyez qu’il est assis à la droite du Père. Le mot s’asseoir signifie habiter ; comme nous disons d’un homme : il s’est assis dans cette patrie pendant trois ans. L’Ecriture dit également de tel personnage qu’il s’est assis pendant longtemps dans cette cité. Est-ce qu’il s’est assis sans jamais se lever ? Voilà pourquoi l’on dit des hommes qu’ils siègent dans tel lieu pour indiquer qu’ils y habitent. Mais quoiqu’on ait son siège en tel endroit, s’ensuit-il que l’on est toujours assis ? Ne peut-on pas se lever, marcher, se coucher ? On le peut,