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et pour les pécheurs. O bonté infinie ! O miséricorde immense ! « Que rendrai-je au Seigneur pour toutes les grâces dont il m’a comblé  ? »

8. Le Verbe a été engendré avant tous les temps, avant tous les, siècles. Il a été engendré avant. Avant quoi, puisqu’il n’y avait rien ? N’imaginez aucun temps antérieur à la naissance du Fils de Dieu dans le sein de son Père ; je parle de cette naissance en tant qu’il est le Fils unique du Dieu tout-puissant, Notre-Seigneur. Telle est la naissance dont je parle d’abord. Avant tout il ne saurait y être question d’un commencement dans l’ordre temporel ; gardez-vous de croire qu’il y ait dans l’éternité un moment où le Père était, sans que le Fils existât. Depuis que le Père est Père, le Fils est Fils. Pourquoi dire depuis, dès qu’il n’y a pas commencement ? Si donc le Père n’a pas eu de commencement, le Fils n’en a pas eu davantage.

Mais, direz-vous, comment donc est-il né s’il n’a pas eu de commencement ? Je réponds qu’il est éternellement coéternel à son Père. Jamais le Père n’a existé sans que le Fils existât, et cependant le Fils est engendré par le Père. Trouverai-je quelque part une comparaison pour rendre ma pensée ? Nous appartenons aux choses terrestres, à la créature visible. Que la terre me fournisse une comparaison ; elle ne m’en fournit point. La mer sera-t-elle plus heureuse ? pas davantage. Et le genre animal ? il est dans la même impuissance. L’animal engendre, et alors nous voyons et celui qui engendre et celui qui est engendré ; mais dans l’ordre du temps, le père est toujours antérieur au fils. Cherchons la coexistence, et nous croirons la coéternité. Si nous pouvons trouver un père coexistant à son fils et un fils coexistant à son père, croyons que Dieu le Père est coexistant à son Fils unique et que le Fils est coexistant à son Père. Sur la terre nous pouvons trouver deux êtres coexistants, mais nous ne pouvons trouver deux êtres coéternels. Cependant la coexistence nous facilitera la croyance à la coéternité. Je vous vois redoubler d’attention quand on vous dit : où peut-on trouver un père coexistant à son fils et un fils coexistant à son père ? Le père n’engendre que parce qu’il est plus âgé, et pour la même raison le fils est plus jeune que son père. Ne trouverons-nous donc pas un père coexistant à son fils et un fils coexistant à son père ? Comment cela se peut-il ?

Eh bien ! voici du feu ; considérez le feu comme père et la lumière comme fils, et aussitôt vous trouvez un père et un fils coexistants. Dès que le feu existe, il engendre immédiatement la lumière ; le feu n’est pas plus avant la lumière, que la lumière n’est après le feu. Et si nous demandons quel est celui qui engendre, si c’est le feu qui engendre la lumière, ou la lumière qui engendre le feu ; aussitôt le bon sens naturel nous répond sans hésiter : c’est le feu qui engendre la lumière, et ce n’est pas la lumière qui engendre le feu. Nous trouvons là un père qui commence, et un fils qui existe simultanément à son père, sans qu’il puisse y avoir ni antériorité ni postériorité. Le père commence, et le fils commence en même temps. Puisque je vous ai montré un père qui commence et un fils qui commence en même temps ; ne devez-vous pas croire à un Père sans commencement et à un Fils également sans commencement ; l’un éternel, l’autre coéternel ? Si vous êtes en progrès, vous comprenez ; tâchez donc de faire des progrès. Vous naissez et vous devez croître ; car personne ne débute par la perfection. Quant au Fils de Dieu, il est né parfait ; parce qu’il n’est pas né dans le temps, parce qu’il est coéternel à son Père et avant tous les temps, non point par l’âge mais par l’éternité. — Or ce Fils coéternel au Père, ce Fils dont la génération a arraché ce cri au prophète : « Qui racontera sa génération  ? » et qui est né du Père éternellement, ce Fils est né d’une Vierge dans la plénitude des temps. De longs siècles avaient précédé cette naissance. Quand le moment lui parut opportun, quand il le voulut, quand il le jugea convenable, le Verbe Fils de Dieu naquit humainement, et cette naissance fut de sa part un acte de libre volonté. Personne d’entre nous ne naît quand il veut et ne meurt quand il veut ; au contraire Jésus-Christ naquit quand il voulut et mourut quand il voulut ; comme il l’avait voulu il naquit d’une Vierge ; comme il l’avait voulu, il mourut sur une croix. Il a fait tout ce qu’il a voulu, parce que sous la forme extérieure de l’humanité, il cachait véritablement sa divinité ; sans cesser d’être Dieu il se fit réellement homme, de telle sorte que Jésus-Christ était en même temps Dieu et homme.