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CHAPITRE XIV. LA PATIENCE DES JUSTES.

11. Que les saints écoutent donc les préceptes de patience que nous donne l’Ecriture « Mon fils, si tu veux entrer au service de Dieu, conserve-toi dans la justice, et dans la crainte, et prépare ton âme à la tentation. Humilie ton cœur et tiens ferme, afin que ta vie se trouve pleine et abondante au dernier jour ; reçois tout ce qu’il plaira à Dieu de t’envoyer ; ne te laisse pas abattre à la douleur, et conserve la patience lorsque tu seras dans l’humiliation, car l’or et l’argent s’éprouvent par le feu, et les hommes recevables, dans la fournaise de l’humiliation ». Et ailleurs : « Mon fils, ne t’irrite pas contre le châtiment dont Dieu se sert pour te corriger, et ne te laisse pas abattre, lorsqu’il te reprend ; car le Seigneur châtie celui qu’il aime, et il frappe de verges tous ceux qu’il reçoit au nombre de ses enfants ».

Ceux qu’il reçoit ainsi au nombre de ses enfants sont ces hommes recevables dont il est parlé dans l’autre passage ; car il est juste qu’étant déchus de la félicité du Paradis par l’orgueil et par une ardeur désordonnée pour les plaisirs, ce soit par l’humilité et par la patience dans les maux que nous y soyons rétablis : exilés par le mal que nous avons fait, rappelés par ceux que nous souffrons ; ayant alors péché contre la justice et souffrant maintenant pour la justice.

CHAPITRE XV. SOURCE VRAIE DE LA PATIENCE.

12. Mais il faut savoir d’où nous vient la patience véritable et qui mérite d’être appelée de ce nom ; car il y en a qui l’attribuent aux forces que la volonté humaine tire du fonds de sa liberté, au lieu de l’attribuer à celles que lui donne la grâce de Dieu. Cette erreur vient de l’orgueil de l’homme, et ce sont là les pensées de ceux dont parle le psalmiste quand il dit : « Nous avons été la risée de ceux qui sont riches à leurs propres yeux, et le mépris des orgueilleux  ».

Cette sorte de patience n’est donc pas « la patience des pauvres », qui « ne périt point  » et qu’ils reçoivent de Celui qui est souverainement riche, et à qui le psalmiste a dit : « Vous êtes mon Dieu, vous n’avez que faire de mes biens  », de ce Dieu « de qui vient tout don parfait et toute grâce excellente  », et à qui s’adressent « les cris du pauvre et de l’indigent qui loue son nom  » et qui « demande, cherche et frappe à la porte  », en disant

« Mon Dieu, tirez-moi des mains du méchant, des mains de l’injuste qui viole votre loi ; car vous êtes ma patience, Seigneur, vous êtes mon espérance dès mes plus tendres années ».

Mais ceux qui sont « riches à leurs propres yeux  », et qui ne veulent pas reconnaître leur indigence devant le Seigneur, aimant mieux se glorifier d’une fausse patience que de lui demander la véritable, « se moquent des pensées du pauvre, qui met son espérance en Dieu  », et ils ne prennent pas garde qu’attribuer autant qu’ils font à leur volonté, c’est-à-dire à la volonté de l’homme, puisqu’ils sont hommes, c’est encourir « la malédiction prononcée » par le Prophète « contre ceux qui mettent en l’homme leur espérance  ».

Ainsi, lorsqu’il arrivera que pour éviter de plus grands maux, ou de peur de déplaire aux hommes, ou par la complaisance que leur donnent pour eux-mêmes ces forces prétendues de leur volonté superbe, ils souffriront avec fermeté des choses dures et fâcheuses, il faudra leur dire de cette fausse patience, ce que l’Apôtre saint Jacques dit de la fausse sagesse, que « ce n’est pas là celle qui vient d’en haut », mais une patience « terrestre, animale, diabolique  ». Car la patience des orgueilleux n’est pas plus véritable que leur sagesse ; et c’est celui qui donne la vraie sagesse, qui donne aussi la véritable patience, selon que lui chantait un véritable pauvre d’esprit, lorsqu’il disait : « Sois soumise à Dieu, ô mon âme, car c’est de lui que vient ma patience ».

CHAPITRE XVI. OBJECTION.

13. Mais, nous répondront-ils, si sans aucune grâce de Dieu, et par les seules forces du libre arbitre, les hommes sont capables de supporter des maux si horribles, et dans l’esprit, et dans le corps, pour arriver à la jouissance des