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CHAPITRE VII. LES MÉCHANTS SAVENT TOUT SOUFFRIR POUR LA VIE TEMPORELLE. L’AME NE PROFITE PAS SEULE DE LA MORT ET DES DOULEURS PATIEMMENT SUPPORTÉES ; LE CORPS EN A SA PART.

6. Toutefois cette étonnante persévérance des hommes à souffrir tant de maux horribles pour leurs passions, et même pour des crimes, nous avertit assez de tout ce que nous devons supporter nous-mêmes pour mener une vie vertueuse, afin qu’elle puisse devenir une vie éternelle, assurée du vrai bonheur contre les limites du temps et contre tout amoindrissement des éléments de sa félicité. Le Seigneur l’a dit : « C’est par votre patience que vous posséderez vos âmes  ». Il n’a pas dit : vos fermes, vos honneurs, vos plaisirs coupables ; mais, vos âmes. Si donc l’âme sait tant souffrir pour posséder ce qui la fait périr, combien ne doit-elle pas endurer pour éviter de périr ? Et pour citer en exemple un fait qui ne renferme. rien de criminel, si l’âme sait tant souffrir pour sauver sa chair entre les mains des médecins armés du fer et du feu, combien ne doit-elle pas souffrir pour son propre salut, au milieu des attaques furieuses de tous ses ennemis ? Car les médecins sauvent le corps de la mort en le faisant souffrir, et les ennemis du salut menacent le corps de la souffrance de la mort, pour précipiter dans la mort éternelle et l’âme et le corps.

7. Il y a mieux : on veille plus efficacement aux intérêts du corps lui-même, lorsqu’on méprise, pour la justice, sa santé temporelle, lorsque pour la justice, on le livre aux tourments et même à la mort. Car c’est de la rédemption finale du corps même que l’Apôtre parle, quand il dit : « Nous poussons des gémissements intérieurs, en attendant l’adoption qui fera de nous des enfants de Dieu, et qui sera la rédemption de notre corps ». Et il ajoute : « C’est par l’espérance que nous sommes sauvés. Mais l’espérance des choses que l’on voit n’est pas une espérance. Car dès que l’on voit une chose, l’espère-t-on encore ? Si donc nous espérons les choses que nous ne voyons pas, c’est par la patience que nous les attendons ».

CHAPITRE VIII. UTILITÉ DE LA PATIENCE POUR L’AME ET POUR LE CORPS.

Ainsi, lorsque des maux nous tourmentent sans que ces tourments parviennent à nous faire commettre des œuvres mauvaises, ce n’est pas seulement notre âme que nous possédons par la patience. Mais lorsque notre corps même est affligé pour un temps, et même lorsque nous le perdons dans l’exercice de la patience, nous le regagnons pour l’éternité, nous lui procurons la stabilité et le salut éternel, et par la douleur et la mort, nous lui acquérons la santé indéfectible et l’heureuse immortalité. Aussi le Seigneur Jésus, exhortant ses martyrs à la patience, leur promet l’intégrité future du corps même, et les rassure contre la perte, je ne dis pas d’un membre, mais même d’un cheveu. « Je vous le dis en vérité, un cheveu de votre tête ne périra pas  ». Et parce que personne, selon l’expression de l’Apôtre, n’a jamais haï sa propre chair, il arrive ainsi que l’homme fidèle pourvoit plus sûrement aux intérêts de sa chair par la patience que par l’impatience, et trouve dans le gain inappréciable de l’incorruptibilité future une compensation aux dommages du présent, quels qu’ils soient.

8. La patience est une vertu de l’âme ; néanmoins l’âme l’exerce tantôt en elle-même tantôt en son corps. Elle l’exerce en elle-même, quand l’épreuve ne blesse ni n’offense le corps ; quand ce sont des actes hostiles ou des paroles déshonorantes qui la froissent et l’excitent elle-même à des actions ou à des paroles inopportunes ou contraires au bien, et qu’alors elle supporte toutes sortes de maux sans commettre elle-même aucun mal, soit en paroles, soit en œuvres.

CHAPITRE IX. LA PATIENCE DE L’ÂME.

C’est en vertu de cette patience que, fussions-nous pleins de santé, nous nous résignons à voir différer notre béatitude et à vivre au milieu des scandales de ce siècle. Et tel est le sens du texte cité tout à l’heure : « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons en patience ». C’est cette patience qui fit supporter au saint roi David les opprobres et les insultes, lui interdit la vengeance