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DE LA DIVINATION DES DÉMONS.


ples auraient dû, depuis si longtemps, les faire connaître à leurs peuples. Ainsi agit-on, en effet, non-seulement dans nos églises, à nous ; mais, ce qui est un témoignage plus écrasant encore, contre tous nos ennemis, ainsi agissent les synagogues des Juifs, qui les donnent à lire de toute antiquité et en toute clarté. Cependant les quelques pauvres prédictions que l’on produit si rarement et à la dérobée, ne nous doivent point étonner, supposât-on qu’on ait pu extorquer de quelque démon un aveu fait à ses adorateurs, un secret que lui-même avait appris par les prédications des prophètes ou par les oracles des anges. Pourquoi ce fait serait-il impossible, puisqu’il n’attaque pas et qu’il atteste au contraire la vérité ? Un seul oracle leur doit être demandé comme valide contre nous ; mais ils ne l’ont jamais produit ; mais ils n’essaieront jamais de le produire à moins de le fabriquer : c’est de nous montrer leurs dieux comme ayant osé rien prédire ou dire même par leurs devins contre le Dieu d’Israël. Ce Dieu, leurs écrivains les plus savants, qui ont pu tout lire et connaître, ont demandé qui il était, plutôt qu’ils n’ont eu le pouvoir de nier sa divinité. Or, au contraire, ce Dieu dont aucun d’eux n’a osé nier le titre de Dieu véritable, et qu’une négation si hardie n’empêcherait pas de les punir comme ils le méritent, outre que des faits certains la convaincraient de mensonge ; ce Dieu, oui, dont aucun d’eux, je l’ai dit, n’a osé nier qu’il fût le Dieu véritable, les a traités de divinités fausses qu’on doit abandonner ; temples, idoles, culte, il veut, par ses vrais devins, c’est-à-dire par ses Prophètes, que tout s’écroule ; son arrêt publiquement l’a prédit ; sa puissance publiquement l’a commandé ; sa vérité publiquement l’a accompli. Aussi, quel homme sera désormais fou, jusqu’à ne pas donner tout son culte de préférence à Celui que les dieux mêmes qu’il honorait ne lui défendent point d’honorer ? Et, dès qu’il commencera à lui porter son hommage, il le refusera bien certainement à ceux qu’un Dieu qu’il honore lui défend d’honorer.

CHAPITRE IX.
LES PROPHÈTES ONT PRÉDIT QUE LE CULTE DES DÉMONS DISPARAÎTRA POUR FAIRE PLACE AU CULTE D’UN SEUL DIEU.

13. Que lui-même, au contraire, dût enfin recevoir le culte des nations, heureuses de bannir les fausses divinités qu’elles honoraient auparavant, c’est un fait prédit par les prophètes, comme je l’ai rappelé déjà et comme j’aime à le redire encore : « Le Seigneur prévaudra contre eux, est-il dit ; il exterminera les dieux des nations de la terre, et c’est lui qui sera adoré par chacun dans son pays, par toutes les îles des nations[1] » . — Ce ne seront pas les îles seulement, mais toutes les nations si bien au complet que toutes leurs îles mêmes voudront l’adorer ; d’autant plus qu’en un autre livre sacré, l’Ecriture ne mentionne pas les îles, mais le monde habité tout entier : « La terre dans toute son étendue se souviendra de ces choses et se convertira au Seigneur ; et tous les peuples différents des nations seront dans l’adoration en sa présence, parce que la vraie royauté appartient au Seigneur ; à lui reviendra l’empire sur toutes les nations[2] ». L’accomplissement de ces prophéties par Jésus-Christ était annoncé assez évidemment par d’autres témoignages encore, et spécialement par ce même psaume auquel j’emprunte ces paroles. En effet, après nous avoir entretenus de sa Passion à venir, en disant par le Prophète dans les versets précédents : « Ils ont percé mes mains et mes pieds ; ils ont compté tous mes os ; ils se sont plu à me regarder et à me contempler ; ils ont partagé mes vêtements entre eux, et ils ont jeté ma robe au sort », presque aussitôt après ces plaintes, le Seigneur ajoute les paroles que j’ai citées : « La terre dans toute son étendue se souviendra de ces choses et se convertira ».

D’ailleurs, le texte que j’ai cité en premier lieu, où vous lisez : « Le Seigneur prévaudra contre eux, il exterminera tous les dieux de la terre », ce texte, par ce seul mot « il prévaudra », est déjà une prophétie d’un double fait, à savoir : des combats que les païens devaient livrer à l’Église, de ces persécutions à outrance contre le nom chrétien, pour l’effacer entièrement de ce monde, s’il eût été possible ; — puis de la victoire que le Seigneur remporterait sur eux par la patience de ses martyrs et la grandeur des miracles qui amèneraient enfin tous les peuples à la vraie foi. C’est le sens de l’expression : « Le « Seigneur prévaudra contre eux ». Il ne serait point dit que Dieu dût prévaloir contre

  1. Sophon. II, 1.
  2. Psal. XXI, 28-29, 17-19.