Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

chacun de votre côté, et vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi ». Un peu auparavant, il avait dit : « Je laisse le monde et je vais à mon Père » ; maintenant il dit : « Le Père est avec moi ». Comment aller à celui qui est avec lui ? Voilà une parole claire pour celui qui comprend, une parabole pour celui qui ne comprend pas. Néanmoins, ce que les enfants sont maintenant incapables de comprendre, ils peuvent le sucer, et s’il ne leur fournit pas une alimentation solide, qu’ils ne pourraient supporter, du moins il ne les prive pas d’un lait qui leur sert de nourriture. Aux Apôtres, cet aliment donnait de savoir que Jésus connaissait toutes choses et qu’il n’avait pas besoin que quelqu’un l’interrogeât ; aussi l’on peut demander pourquoi ils s’expriment ainsi. Il semble, en effet, qu’il eût fallu dire : Vous n’avez pas besoin d’interroger quelqu’un, et non pas : « Que quelqu’un vous interroge ». Ils venaient de dire : « Nous savons que vous connaissez toutes choses » ; or, évidemment, ceux qui ignorent, interrogent d’ordinaire celui qui connaît tout, afin d’apprendre de lui ce qu’ils cherchent à savoir. Mais celui qui connaît tout n’interroge pas comme s’il voulait apprendre quelque chose. Par conséquent, puisqu’ils savaient qu’il connaissait toutes choses, et qu’ils auraient dû lui dire : Vous n’avez besoin d’interroger personne, pourquoi ont-ils cru devoir lui dire : « Vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous interroge ? » Pourquoi cela, quand nous voyons que l’un et l’autre ont été faits, c’est-à-dire que Notre-Seigneur a interrogé et qu’il a été lui-même interrogé ? La solution de cette difficulté est facile à trouver. Ce n’était pas lui qui avait besoin de les interroger et d’être interrogé par eux ; c’étaient eux-mêmes. Car s’il les interrogeait, il voulait non pas apprendre d’eux quelque chose, mais bien plutôt les instruire ; et puisque ceux qui l’interrogeaient voulaient apprendre quelque chose de lui, ils avaient assurément besoin de l’interroger, pour apprendre quelque chose de Celui qui connaissait tout. Il n’avait donc pas besoin que quelqu’un l’interrogeât. Pour nous, quand ceux qui veulent apprendre quelque chose de nous nous interrogent, il nous est facile de comprendre, d’après leurs questions, ce qu’ils veulent savoir. Nous avons donc besoin d’être interrogés par ceux à qui nous voulons apprendre quelque chose, afin de connaître ; les questions auxquelles nous aurons à répondre. Mais Jésus, qui connaissait tout, n’avait pas même besoin de cela ; il n’avait pas besoin qu’on lui fît des questions pour connaître ce que chacun voulait apprendre de lui, parce qu’avant d’être interrogé, il connaissait la volonté de celui qui devait l’interroger. Néanmoins, il se laissait interroger afin de montrer quels étaient ceux qui l’interrogeaient, soit à ceux qui étaient présents, soit à ceux qui devaient en entendre raconter ou lire le récit : c’était encore afin de nous faire ainsi connaître quels pièges on lui tendait sans pouvoir l’y faire tomber, et aussi par quels moyens on s’approchait de lui. Prévoir les pensées des hommes et ainsi n’avoir nul besoin d’être interrogé, ce n’était pas chose difficile pour Dieu, mais c’était une grande chose aux yeux de disciples peu spirituels, comme étaient les siens ; car ils lui dirent : « En cela, nous croyons que « vous êtes sorti de Dieu ». Une chose bien plus difficile à comprendre était celle à l’intelligence de laquelle il voulait les amener et les élever, lorsqu’après les avoir entendus lui dire, et lui dire avec vérité : « Vous êtes « sorti de Dieu » ; il leur répondit : « Le Père est avec moi », pour ne point leur laisser croire que le Fils était sorti du Père, de façon à le quitter.
3. Enfin, pour terminer ce grand et long discours, le Christ ajoute : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez des afflictions ; mais ayez confiance, j’ai vaincu le monde ». Cette affliction devait avoir le commencement dont il leur avait parlé plus haut, quand pour leur montrer qu’ils n’étaient que de petits enfants qui ne comprenaient pas encore, qui prenaient une chose pour une autre et qui regardaient comme des paraboles les choses élevées et divines qu’il leur adressait, il leur dit : « Maintenant vous croyez ? Voici venir l’heure, et elle est déjà venue, où vous vous disperserez chacun de votre côté ». Voilà le commencement de leur affliction ; mais elle ne devait pas durer toujours de cette façon ; s’il leur dit : « Et vous me laisserez seul », il ne veut pas que pendant la persécution qui doit