Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/718

Cette page n’a pas encore été corrigée

que le bourreau ne pouvait ni les tenir pour les tuer, ni les voir après leur avoir ôté la vie. On les arrachait tout tremblants des mamelles de leurs mères ; leur frêle existence s’éteignait, incapable de résister aux tiraillements simultanés de celles-ci et de leurs bourreaux ; de la sorte, on tuait moins des vivants qu’on n’égorgeait des morts. Alors ces pauvres mères sanglotaient et remplissaient l’air de leurs cris : on les voyait serrer leurs enfants dans leurs bras ; elles auraient voulu mourir avec eux, mais on ne leur donnait point le coup de grâce. Leurs entrailles se tordaient, non plus sous – l’effort des douleurs de l’enfantement, mais sous le poids du chagrin et du deuil : elles avaient beau pleurer et tendre vers les bourreaux des mains suppliantes, les cruels sicaires demeuraient insensibles ; dans leur fureur, ils brisaient ces petits membres à peine nés de la veille, et, malgré les prières des mères éplorées, ils étalaient à leurs yeux le hideux spectacle du sang de leur chère progéniture. Hérode, à quoi t’a servi cet acte de cruauté ? Pour atteindre un enfant, tu en fais mourir une multitude, et néanmoins tu ne parviens pas à frapper celui que tu cherches ; et ainsi, ta stérile méchanceté n’aboutit qu’à te donner à toi-même le coup de mort et à donner au Christ des martyrs de son âge !

4. Pour nous, mes frères, réjouissons-nous dans l’unité de la foi, « dans une charité sincère, dans la parole de vérité, dans la force de Dieu\x + xt 2Co. 6, 6]]</ref> ». Marchons de pair avec les Mages, suivons la brillante lumière de l’étoile, adorons le Christ dans sa crèche, offrons-lui l’hommage de nos vœux. Il est aujourd’hui couché devant la porte, enveloppé dans les langes de la pauvreté : les Mages lui offrent de l’or ; que des chrétiens ne refusent pas aux indigents une pièce de monnaie.

QUARANTE-TROISIÈME SERMON : POUR L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR. 9

ANALYSE. —1. Saint Augustin rappelle au souvenir de ses auditeurs l’admirable Nativité du Christ. —2. Le miracle des cinq pains et des deux poissons était autrefois fêté le jour de l’Épiphanie. —3. Il en était de même du baptême du Christ, auquel se rapporte d’une manière mystique le miracle précité.

1. Nous vous l’avons précédemment expliqué : Notre-Seigneur Jésus-Christ a été engendré dans le sein d’une vierge, en dehors des règles de la condition humaine et de la nature ; il a donc eu pour signe distinctif d’opérer des prodiges dès le commencement d’une existence qu’il devait marquer plus tard par des miracles sans nombre : la puissance qu’il manifestait au moment de sa naissance devait disposer les hommes qui en étaient témoins, à croire plus facilement les opérations extraordinaires et merveilleuses dont le reste de sa vie serait rempli. Car, une fois venu à la vie, une fois devenu homme, que ne pouvait-il pas faire, quand, avant de naître, il avait pu conférer à sa mère le privilège de la virginité ? Marie t’a porté dans son sein avant de le mettre au monde ; après l’avoir enfanté, elle est demeurée vierge ; en elle se sont donc trouvées réunies la maternité et la virginité. Ne vous étonnez, nullement de m’entendre dire que, après l’enfantement, Marie est restée vierge : il y a, pour ses deux privilèges, une seule et même raison : car, la conception du Sauveur ayant eu lieu sans le concours de la chair…; Que le