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contact charnel, mettent au monde le Fils de l’homme, qui n’a pas eu d’homme pour père. Le temps voulu pour l’enfantement de Marie s’accomplit ; si grand que soit celui qu’elle engendre à la vie, rien n’est changé aux lois qui régissent la naissance des humains. Ainsi a dû naître celui quine devait point refuser de mourir pour nous délivrer. Le Christ vient au monde : comme Dieu, il est du Père ; en tant qu’homme, il vient d’une mère. Engendré par le Père, il est la source de la vie ; enfanté par Marie, il est le tombeau de la mort. En lui se rencontrent le Révélateur du Père et le Créateur de la mère, le Verbe né avant tous les temps, et l’homme né au temps opportun ; le Créateur du soleil, et la créature formée sous le soleil ; celui qui est de toute éternité avec le Père, et celui qui est né aujourd’hui de la mère ; celui sans lequel le Père n’a jamais existé, et celui sans lequel la mère n’aurait jamais été mère. Celle qui a enfanté est en même temps mère et vierge ; Celui qu’elle a enfanté est tout à la fois enfant et Verbe. Celui qui a fait l’homme s’est fait homme, il a été mis au monde par une mère qu’il avait lui-même créée, et il a sucé les mamelles qu’il avait lui-même remplies. Celui qui était Dieu est devenu homme, et, sans perdre ce qu’il était, il a voulu devenir sa propre créature. En effet, il a ajouté l’humanité à sa divinité ; mais en devenant homme, il n’a point cessé d’être Dieu ; pour s’être revêtu de membres humains, il n’a pas discontinué ses œuvres divines, et quand il s’est enfermé dans le sein d’une Vierge, il ne s’y est pas emprisonné au point de soustraire aux anges la sagesse qui fait leur nourriture et de nous empêcher de goûter combien le Seigneur est doux. Ah ! c’est à juste titre que les cieux ont parlé, que les Anges ont rendu grâces, que les bergers se sont réjouis, que les Mages sont devenus meilleurs, que les rois sont tombés dans le trouble, que les petits enfants ont été couronnés. O Mère, allaitez notre nourriture, allaitez le pain qui nous vient du haut des cieux, placez-le dans la crèche, comme s’il était destiné à être la pâture de pieux animaux. Allaitez celui qui vous a créée pour faire de vous sa mère, celui qui, avant de naître, a choisi le sein dans lequel il s’incarnerait et le jour où il viendrait au monde ; celui, enfin, qui a créé ce qu’il destinait à devenir « le lit nuptial d’où, nouvel époux, il sortirait un jour[1] », pour embrasser l’Église, son épouse.

2. Voyez quels prodiges ont précédé la naissance du Sauveur ! Longtemps auparavant les Prophètes annoncent que le Créateur du ciel et de la terre se fera adorer ici-bas ; l’Ange fait savoir qu’on verra venir dans la chair celui qui a tiré la chair du néant ; en. fermé dans le sein d’Elisabeth, Jean salue le Sauveur enfermé dans celui de Marie ; le vieux Siméon reconnaît un Dieu dans un petit enfant, et la veuve Anne, une Vierge dans la personne de sa mère. Seigneur notre Dieu, voilà quels témoins ont affirmé votre naissance, avant que vous marchiez sur les eaux, que la tempête s’apaisât sur votre parole, qu’à votre prière un mort sortît vivant du tombeau, que le soleil s’obscurcît tout à coup au moment de votre mort, qu’à l’heure de votre résurrection la terre tremblât sur ses bases, et que le ciel s’ouvrît à celle de votre ascension. Enfin, les Mages, partis des extrémités de l’Orient, sous la conduite d’une étoile, afin d’apporter au Christ les prémices de la foi, ont traversé d’immenses étendues de pays, pour venir à la recherche du Roi, pour courber devant lui leurs fronts.

3. Mais, ô Mages, si vous avez regardé le Christ comme étant vraiment roi des Juifs, quel motif vous a portés à l’adorer de préférence aux autres ? Depuis de longs siècles n’a-t-on pas vu naître un grand nombre de rois juifs ? N’y a-t-il pas eu, parmi eux, l’illustre monarque David, et Salomon, le plus puissant de tous ? Pourtant, vous n’êtes venus vous approcher ni de leur berceau, ni de leur trône. Ah, c’est qu’avant le Christ, le ciel n’a trahi la grandeur d’aucun d’entre eux t Mais, aujourd’hui, une étoile fait connaître le Roi des rois, et son Créateur : le ciel lui-même annonce qu’il est Dieu, et, d’après les signes qui s’y manifestent, il est impossible de révoquer en doute sa nature divine.

  1. Psa. 8, 6.