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VINGT-SEPTIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. VII

ANALYSE. —1. Le Christ est né d’une vierge. Analogies dans la vie de Samson. —2. Et dans celle de Sara.—3. Témoignage d’Isaïe. —4. Parallèle entre Ève et Marie.

1. Frères bien-aimés, je ne me servirai que d’exemples pour vous prouver le mystère de ce jour. Samson se distinguait par sa force et sa valeur guerrière : il était, comme le Christ, natif de Nazareth, et sa mère avait été stérile jusqu’à sa naissance ; un jour que, inspiré de Dieu, il avait mis en déroute l’armée ennemie, et qu’à défaut d’armes il ne pouvait pas achever sa victoire, il trouva par terre, au milieu du camp, une mâchoire d’âne. L’ayant prise dans ses mains, il tua une multitude d’ennemis avec ce nouvel instrument de combat. Ainsi s’en exprimait-il et s’en faisait-il gloire après l’action : « Je les ai défaits avec une mâchoire d’âne, j’ai tué mille hommes[1] ». À la suite de cette lutte vraiment gigantesque, Samson éprouva une soif qui lui brûlait les entrailles, et, toutefois, dans les environs, ne se trouvait aucune source où il fût à même de puiser et de se désaltérer. Il s’écria donc : « C’est vous, Seigneur, qui avez sauvé votre serviteur et qui lui avez donné cette grande victoire, et, maintenant, je meurs de soif[2] ». Alors Dieu entr’ouvrit les parois de la mâchoire et en fit couler de l’eau ; Samson la recueillit, et sa soif fut calmée. O mâchoire, tout à l’heure instrument sanglant de mort, et, maintenant, source de force et de vie ! Ici, elle a servi à répandre le sang des ennemis, là elle a produit une eau salutaire ! De la mâchoire d’un âne mort, et contrairement aux lois de la nature, a pu s’échapper une source d’eau vive ; jusqu’à ce jour, ce membre desséché d’un animal a pu s’appeler du nom de la mâchoire ; et la bienheureuse Marie, donnant le jour au Fils de Dieu, n’aurait pu rester vierge ni allaiter son enfant en dépit des lois de la nature ? Par l’effet de la puissance divine, une mâchoire a été capable de fournir ce que naturellement elle ne renfermait pas, et le même pouvoir céleste n’aurait pu permettre au corps de Marie de donner un lait qu’il possédait naturellement ? D’une mâchoire s’est échappée une fontaine ; le Sauveur est sorti du sein de Marie. La vertu d’en haut a fait couler de l’eau d’un ossement aride, et elle eût été impuissante à tirer un corps vivant du sein d’une femme vivante ? Que l’infidélité se taise donc, qu’elle cesse de murmurer. Le même pouvoir qui a rendu féconde la mâchoire d’un animal privé de vie a aussi fait des mamelles d’une vierge, devenue mère sans avoir contracté aucune souillure, une source de lait : ce prodige a été opéré par la vertu du Fils unique qu’elle a mis au monde.

2. Mais puisque tu veux circonscrire dans les bornes des lois de la nature l’enfantement et l’allaitement d’une vierge, dis-moi donc, oui, dis-moi en vertu de quelle loi la bienheureuse Sara a pu enfanter et allaiter à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Elle avait alors, pour deux causes, perdu la faculté de concevoir : elle était avancée en âge ; de plus, elle était stérile et ne pouvait avoir d’enfants ; car, dit l’Écriture, « Sara avait passé l’âge de la maternité[3] ». Néanmoins, au moment voulu par Dieu, elle a conçu et enfanté, et après avoir, en dépit de sa stérilité, mis au monde un fils, elle l’a allaité, bien qu’elle fût devenue vieille. Sara a obtenu de Dieu une telle faveur, et, pour devenir mère, la

  1. Jug. 15, 16
  2. Id. 18.
  3. Gen. 18, 11.