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nous répondre victorieusement à toutes les objections des hérétiques. « Il s’est anéanti lui-même », dit l’Apôtre, « en prenant la forme d’esclave ». Quel est celui qui s’est anéanti ? Évidemment, c’est celui « qui, ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ». En se revêtant de notre humanité, il n’a rien perdu de cette perfection qu’il partage à degré égal avec Dieu le Père : au contraire, il lui adonné un nouvel éclat ; car, dans sa divinité, il y a titre à des louanges toujours nouvelles, et quand elle s’adjoint quelque chose, elle ne s’expose point à encourir l’ombre même d’une critique. Or, en disant qu’en Dieu il y a titre à des louanges toujours nouvelles, nous prétendons que la créature pourra se rapprocher de plus en plus de lui, mais ne parviendra jamais à se confondre avec la nature divine.

3. En effet, Dieu n’acquiert aucun accroissement, comme il ne peut subir aucune diminution dans son essence ; seulement, d’après la nature de l’être créé dont il se revêt, il se montre aux uns avec les proportions de la grandeur, et aux autres avec celles de l’exiguïté. Nous en trouvons la raison et la preuve dans son infinie puissance. Quant à le voir en lui-même, et selon ce qu’il est dans sa nature, jamais aucune créature n’en sera capable. C’est pourquoi, lorsqu’il fit connaître sa volonté à Adam, il ne lui avait point apparu sous la même forme que quand il vint lui reprocher sa désobéissance. Le juste Abel et Caïn le prévaricateur ne l’aperçurent point sous des dehors pareils. Autre semblait-il être quand il enleva Enoch, autre quand il se montra à Noé, à l’heure du déluge, pour sauver le monde qui allait périr. Pour tenter Abraham relativement à son fils, il se montra à lui d’une manière, et il se manifesta d’une façon différente à Isaac pour le porter à servir de victime dans le sacrifice que son père allait offrir, à porter lui-même le bois destiné à le brûler, et à figurer ainsi le Christ chargé de sa propre croix. Jacob endormi et Moïse éveillé et gardant son troupeau ne l’ont point vu de la même manière. Quelle différence entre ce qu’il parut aux yeux des Égyptiens pendant qu’ils se noyaient, et ce qu’il parut aux enfants d’Israël en-les délivrant ! N’était-ce point une colonne de nuée durant le jour et une colonne de feu durant la nuit ? Ici, c’étaient des éclats de voix, des tonnerres et des éclairs ; ailleurs, l’air était pur et le ciel tranquille, lorsqu’il se manifestait sous les traits splendides d’un prophète. Tantôt il ouvrait les cieux et en faisait tomber la manne qui devait nourrir son peuple ; tantôt un rocher se fendait pour donner issue à une source d’eau vive qui devait le désaltérer. Il n’apparaissait pas le même. quand, sous le coup du bâton de Moïse, les eaux de la mer se séparaient pour favoriser la fuite des Israélites, que quand elles se réunirent, sous le coup du même bâton, pour détruire leurs. persécuteurs. Autre il se montra au passage du Jourdain, lorsque les eaux reprirent leurs cours interrompu ; autre il se fit voir, quand, au son des trompettes, les murailles ennemies s’écroulèrent. Manifestations bien diverses de la Divinité ! Sur un signe d’une prostituée, des hommes de mœurs pures échappent à la mort et sont protégés par des saints, et un homme commande au soleil de ne pas se coucher, et un homme défend aux nuées de donner de la pluie. Sur l’ordre d’un homme, le feu du ciel vient frapper d’autres hommes, et, à sa prière, le feu descend d’en haut pour consumer la victime d’un sacrifice ; l’attouchement de son manteau suffit à séparer les eaux du Jourdain, et cet homme est enlevé sur un char de feu, comme pour devenir le conducteur des chevaux de feu qui le traînent. Samuel, David, Salomon, ont aperçu Dieu sous des aspects très-différents : Daniel a mérité de le voir autrement que Nabuchodonosor ; d’innombrables Prophètes l’ont contemplé sous une forme, et les Apôtres sous une autre.

4. Va, hérétique, et toutes les fois que tu liras que le Verbe a apparu d’une façon ou d’une autre, représente-le-toi sous tant de traits, sous tant de couleurs, qu’il t’apparaisse ici sous la forme d’un buisson, là sous celle du feu, tantôt comme une nuée, tantôt comme un rocher, puis comme un bûcher, enfin comme une mâchoire d’âne ; dis-toi : Voilà le Fils de Dieu. Si, en effet, tu lis l’Écriture, et que tu la comprennes dans le sens obvie de la lettre, non-seulement tu nieras l’existence de. Dieu, mais encore tu embrouilleras les commandements de la loi elle-même. Car la loi ne défend-elle pas de refuser du pain aux faméliques, et un rafraîchissement à ceux que la soif dévore ? Toutefois, ne s’exprime-t-elle