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HUITIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU 22, 23 et SUIV. : « CE JOUR-LÀ, LES SADDUCÉENS, QUI PRÉTENDENT QU’IL N’Y A POINT DE RÉSURRECTION, VINRENT TROUVER JÉSUS, ETC. » LA RÉSURRECTION.

ANALYSE.—1. Réfutation de la doctrine des Sadducéens niant la résurrection. —2. L’ignorance des Pharisiens est ensuite confondue.

1. Les Sadducéens rejettent la foi à la résurrection, et entendant le Sauveur prêcher cette vérité, ils saisissent cette occasion pour essayer de jeter le ridicule sur les choses divines ; ils demandent au Seigneur de vouloir bien leur dire quel sera, au jour de la résurrection, le mari d’une femme qui a épousé successivement sept frères : c’est une opinion généralement admise, ajoutent-ils, que les livres des Prophètes ne s’expliquent point touchant les conditions dans lesquelles s’accomplira la résurrection. Mais le Seigneur leur dit : « Vous errez, ne connaissant ni les Écritures, ni la puissance de Dieu[1] ». Donc les Écritures ne sont point muettes à cet égard, et toute hésitation, tout doute doit cesser, comme étant condamné parleur autorité sainte. Plusieurs, en effet, ont coutume de proposer cette difficulté, savoir en quel état les femmes ressusciteront et si les corps qu’elles reprendront auront les mêmes formes et les mêmes organes. On trouvera peut-être que c’est de notre part une grande témérité de vouloir interpréter un passage que presque tous les auteurs ont passé sous silence : nous dirons, pour toute réponse, que l’on avait demandé au Seigneur quel serait, après la résurrection, le mari de cette femme, parmi les sept qu’elle avait eus ici-bas ; et que le Seigneur leur reprocha d’abord d’être dans une erreur aussi grossière, par suite de leur ignorance des Écritures et de la puissance de Dieu ; alors, dit-il, « les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris[2] ». Il suffisait sans doute, pour réfuter la doctrine des Pharisiens, de retrancher ainsi le principe même des convoitises charnelles et de supprimer à la fois tout mouvement et toute volupté dans les organes de la chair. Mais le Sauveur ajoute : « Ils seront a semblables aux anges de Dieu[3] ». Ainsi l’autorité sainte des Écritures et l’immensité de la puissance divine nous obligent à croire que les femmes seront alors semblables aux anges de Dieu ; d’où il suit que nous devons nous reporter au portrait que ces mêmes Écritures nous font des anges, si nous voulons nous former une idée exacte de ce que les femmes seront au jour de la résurrection. Telle est la réponse donnée par le Seigneur, relativement à la condition des corps ressuscités. Par rapport au fait même de cette résurrection qu’ils n’admettaient point, il s’exprime en ces termes : « N’avez-vous point lu ce qui vous a été dit par Dieu : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Or Dieu n’est point le Dieu « des morts, mais le Dieu des vivants[4] ». Ces paroles avaient été adressées à Moïse par le Dieu de ces saints patriarches, à une époque où ceux-ci étaient morts depuis longtemps déjà. Mais si ces mêmes patriarches n’étaient plus rien alors, ils ne pouvaient donc rien avoir, puisqu’il est métaphysiquement nécessaire d’exister avant de pouvoir posséder quelque chose ; d’où il suit que, pour que Dieu soit le Dieu de quelqu’un, il faut que ce quelqu’un soit vivant ; d’autant plus que, Dieu étant éternel, il serait deux fois absurde de supposer que des âmes mortes peuvent

  1. Mat. 22, 29
  2. Id. 30
  3. Mat. 22, 30
  4. Id. 31-32